Le Coran incite-t-il à la violence ? Quelle est la place de la violence dans le Coran ? Réponse du jésuite égyptien Samir Khalil Samir, spécialiste du dialogue islamo-chrétien .
Marchand à Essaouira (Maroc)
Jean-François Gornet Flickr CC
(Samir Khalil Samir est expert au synode sur le Moyen-Orient)
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Islam
Le Coran n'est pas un texte violent mais la violence fait partie intégrante du Coran. Ce texte du début du VIIe siècle est adressé à un milieu bédouin d'Arabie, qui pratique la guerre comme une coutume et un moyen de survie.
Mahomet, le fondateur de l'islam, a lui-même dirigé plus d'une soixantaine d'attaques guerrières (razzia) en l'espace d'une dizaine d'années (entre 622 et 632).
On n'est pas étonné que les fondamentalistes qui prônent l'imitation du Prophète en tout aient recours à la violence et à la guerre pour se développer. Ils se conforment au Coran et à la vie de Mahomet.
La Mecque la tolérante, Médine la violente
L'entrée de Mahomet à Médine, qui marque le début du calendrier musulman (l'hégire) se caractérise par une guerre continue, à la fois défensive contre ceux qui n'étaient pas en accord avec ses projets (et qui ne voulaient plus payer une contribution), mais aussi d'attaques destinées à renforcer son pouvoir, se nourrir, disposer d'esclaves... Ses motivations étaient avant tout militaires et financières.
Les islamistes radicaux se référent aux passages et écrits les plus violents de l'histoire du Prophète (sourate de la Vache, par exemple) datant de l'époque médinoise (622-632 après J.-C.), en oubliant les sourates plus tolérantes (celles dites des Infidèles, de Jonas, de l'Araignée ou de la Caverne), liées à la période mecquoise (610-622 après J.-C.), au début de sa mission lorsqu'il ne bénéficiait pas encore de soutien suffisant.
Leur façon d'exercer la violence ne respecte pas la tradition du Prophète. Il ne faisait pas la guerre avec cruauté ; ils suivaient des règles précises (par exemple, la demande de soumission de l'ennemi avant toute attaque). Il n'attaquait pas les croyants. Nous nous trouvons actuellement dans une phase de régression par rapport à l'interprétation du Coran.
L'infidèle (kāfir), dans l'islam de Mahomet, c'est le polythéiste (qui vénère des divinités). Il ne s'agit ni des juifs, ni des chrétiens qui adorent le Dieu unique et ont le droit de vivre dans la cité à condition de payer un tribut par le chef de famille (jizya).
Les infidèles, quant à eux, avaient le choix entre devenir musulmans ou être tués. Les fondamentalistes de l'Etat islamique ou de Boko Haram en Afrique, qui se réfèrent pourtant au Coran, ne respectent pas ces prescriptions du Prophète.
L'esprit de la charia
Pour échapper à une lecture étroite et littérale du Coran, les théologiens musulmans (ceux du IXe et Xe siècles, repris par les réformateurs du XIXe et XXe siècles) ont développé une interprétation de la charia, la loi coranique qui repose sur le Coran, des paroles du Prophète (hadîths), des interprétations de juristes, entre autres.
C'est ce qu'on appelle «l'esprit de la charia» (maqāsid al shari'ah). Son objectif est d'interpréter pour aujourd'hui des prescriptions éditées il y a plus d'un millénaire. Le Coran stipule par exemple qu'il faut couper la main des voleurs. Quelle est la visée de la charia ? D'empêcher le voleur de récidiver. La réponse réside peut-être dans une sanction éducative, une peine de prison...
La plupart des pays musulmans ont cessé de couper les mains aux voleurs, tout comme les juifs ne lapident plus les femmes adultères, bien que ce commandement figure toujours dans la Torah !
Le rôle des musulmans d'Europe, qui acceptent la civilisation occidentale sans renoncer à leur foi, peut être déterminant pour une interprétation de l'esprit de la Charia, loin de tout fondamentalisme réducteur et régressif.
Le père Samir Khalil Samir est l'auteur de 100 questions sur l'islam, traduit en France sous le titre Les raisons de ne pas craindre l'islam, Presses de la Renaissance, 2007.
Recueilli par Gilles Donada
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