Europe
Le Danemark signe la fin du délit de blasphème
Par Maud Le Rest - publié le 29/06/2017
Les députés danois ont tranché : le 2 juin, ils se sont prononcés en grande majorité pour la suppression de l'article 140 du code pénal. Celui-ci définissait le blasphème comme un délit passible de quatre mois de prison.
Manifestation de musulmans à Copenhague, février 2006.
© John McConnico /AP/SIPA
Événement au Danemark : le délit de blasphème n'est plus. Institué en 1866, il était destiné à punir « celui qui, publiquement, insulte ou tourne en dérision la doctrine ou le culte d’une communauté religieuse légalement reconnue » . Il n'avait néanmoins plus été utilisé depuis 1971. Le parlement danois a jugé, à 75 voix contre 27, que l'existence même d'un tel délit n'avait pas lieu d'être. Cela en vertu, notamment, de la décision des Nations unies du 24 mars 2011, qui acte l'abandon de la notion de « diffamation des religions », suivie par le Conseil de l'Europe, qui distingue depuis 2013 « blasphème » et « injure à caractère religieux ».
En ce sens, les deux instances internationales considèrent toute loi relative au concept de blasphème contraire à la liberté d’expression. Sans surprise, le Danemark rejoint donc la plupart des pays d'Europe, qui ont abrogé ce délit (l’Allemagne, l’Italie, l’Irlande et la Grèce, entre autres, conservant pour l'heure de vieilles lois antiblasphème). Le vote du 2 juin a notamment été permis par le ralliement du Parti libéral – à l'origine hostile à cette évolution – à ses alliés conservateurs.
Une notion âprement débattue
À l'origine de cette décision, des années 2000 particulièrement mouvementées. En 2006 déjà, l'interprétation de l’article 140 du code pénal, relatif au délit de blasphème, avait suscité le débat. Après la publication, en 2005, de douze caricatures du prophète Mahomet dans le journal danois Jyllands-Posten, des musulmans manifestent par milliers à Copenhague. Le parquet rend alors une décision sans équivoque : il considère, malgré les protestations et les menaces, que ces dessins ne constituent pas un blasphème. Le climat au Danemark se dégrade progressivement, jusqu'à ce que les dessinateurs et le journal reçoivent des menaces de mort.
Plus récemment, en décembre 2015, un homme de 42 ans publie sur Facebook une vidéo le montrant en train de brûler un exemplaire du Coran. Cette vidéo, partagée dans un groupe intitulé « Ja til frihed, nej til islam » (« Oui à la liberté, non à l'islam »), connaît un retentissement immédiat. Le procureur de Jutland-du-Nord décide, un an plus tard, d'engager des poursuites. Le procès du suspect est alors fixé au 7 juin 2017 – l'article 140 étant désormais supprimé, l'homme ne pourra plus être jugé pour les faits qui lui étaient reprochés.
Une opposition toujours vive ....