Les premières heures du pontificat ont été marquées par une multitude de gestes et de mots qui impriment déjà le style très personnel du nouveau pape. En voici quelques-uns des plus forts.
François
Elu comme successeur de Pierre, Jorge Mario Bergoglio a eu l’audace de choisir un prénom encore jamais porté avant lui, ce qui ne s’était plus fait depuis le pape Landon en 913 (si on excepte Jean-Paul Ier, dont le nom était en réalité une double reprise). Et pour le premier pape d’Amérique du Sud, le nom de François a la force de parler directement au coeur des Italiens : la foule réunie place Saint-Pierre a d’ailleurs exulté en entendant l’annonce de son nom, presque plus qu’en apprenant qui était le cardinal élu, alors peu connu des fidèles réunis à Rome.
Pierre
François, c’est bien sûr le poverello d’Assise, mais c’est aussi le saint qui a entendu l’appel du Christ à "rebâtir l’Eglise en ruines". Dans sa première homélie dans la chapelle Sixtine jeudi 14 mars, le nouveau pape a d’ailleurs insisté sur l’importance de cette dimension de bâtir et édifier. Le voilà devenu Pierre lui-même, pour cette mission de reconstruction d’une Eglise secouée ces dernières années par les scandales et dont les observateurs s’accordent pour souligner le besoin de réforme et de coordination au sein de la curie.
Chemin
C’était l’un de ses premiers mots quand il est apparu à la loggia de Saint-Pierre mercredi soir : "Nous commençons un chemin..." C’est aussi l’un des trois termes sur lesquels il a insisté durant sa première homélie en tant que pape : "Cheminer, édifier, confesser". Le pape François a précisé l’importance du "mouvement" dans ces trois actions. On peut aussi y voir une continuité avec Benoît XVI, qui a déclaré lors de sa dernière apparition à Castel Gandolfo qu’il redevenait un "simple pèlerin".
Proximité
Les services de sécurité du Saint-Siège vont probablement devoir s’adapter au style de ce pape qui avait pour habitude de circuler dans Buenos Aires en transports en commun. Ses premiers mots à la foule auront en tout cas témoigné de sa grande proximité avec les gens : "Buona sera", a-t-il simplement lancé en saluant la foule. En deux mots, la place Saint-Pierre entière a aimé son pape. Quelques minutes plus tard, après la bénédiction, on l’a encore vu réclamer le micro pour souhaiter simplement "bonne nuit et bon repos" aux fidèles.
Croix
Repoussant les croix préparées pour son élection, le pape François a délibérément choisi de conserver celle qu’il portait déjà comme archevêque de Buenos Aires. En conservant sa croix pectorale, il manifeste non seulement qu’il reste le même, mais souligne la continuité de sa mission comme pape aujourd’hui. Par ailleurs, sa première homélie a été aussi l’occasion pour lui d’insister sur le signe des chrétiens : "Sans la croix, nous ne sommes pas les disciples du Seigneur. Nous sommes des mondains. Nous sommes des évêques, des prêtres, des cardinaux, des papes... mais nous ne sommes pas des disciples du Seigneur."
Dépouillement
Sans la mosette (la fameuse pèlerine rouge courte portée par les cardinaux et les papes), sans même l’étole pontificale, le pape François s’est présenté à la foule simplement vêtu de sa soutane blanche. De même, ses chaussures n’étaient pas les célèbres escarpins rouges portés par Benoît XVI mais de simples chaussures noires, sans ostentation. Ce n’est qu’au moment de bénir la foule qu’il a accepté de revêtir l’étole brodée que le cérémoniaire Guido Marini tenait à sa disposition, et il l’a retirée aussitôt après ce geste, distinguant ainsi son apparition publique de sa fonction liturgique.
Rome
A aucun moment lors de son apparition à la loggia mercredi soir François n’a prononcé le mot de pape, ni pour désigner son prédécesseur ni pour lui-même. C’est comme "évêque de Rome" qu’il s’est présenté à la foule, affichant aussi son espérance de voir ce lien entre les fidèles de son diocèse et lui "porter du fruit pour l’évangélisation de Rome". Il a enfin rappelé que le rôle de Rome n’était pas de diriger l’Eglise mais de "présider à la charité de toutes les Eglises". Un signe particulièrement fort, à très grande dimension oecuménique.
Service
L’image d’un pape qui s’incline devant la foule afin qu’elle prie pour lui et le bénisse, dans un silence impressionnant de profondeur, restera comme un symbole d’une immense force. Avant de délivrer le moindre message, il a voulu faire prier l’assemblée. Avant de la bénir, il lui a demandé de lui accorder sa propre bénédiction. Dans les deux cas, François fait passer sa personne au second plan : donnant la priorité à Dieu, saluant son prédécesseur et courbant la tête devant les fidèles, il a rappelé que le rôle du pape était bien d’être d'abord le "serviteur des serviteurs de Dieu".
Humilité
Le pape François a multiplié les gestes de simplicité depuis son élection, manifestant ostensiblement qu’il ne souhaitait pas être traité différemment des autres cardinaux, qu’il appelle "mes frères" : c’est ainsi qu’il est allé embrasser le cardinal Dias (en fauteuil roulant) avant de recevoir, debout, l’hommage des électeurs dans la chapelle Sixtine, qu’il a partagé le minibus avec eux en rentrant mercredi soir, ou encore qu’il est allé lui-même régler la note de l’hôtel où il résidait avant le conclave.
Fraternité
C’est encore l’un des mots qu’il a prononcé lors de sa première apparition : "Nous commençons un chemin de fraternité, évêque et peuple", avec un geste qui semblait signifier que l’un et l’autre marcheraient main dans la main. Puis il a, selon la tradition, béni la foule en précisant qu’il l’accordait certes aux fidèles de Rome et du monde entier, mais aussi "à tous les hommes et les femmes de bonne volonté".