La Transnistrie sera-t-elle la prochaine Crimée ?Le Monde.fr | 20.03.2014 à 16h03 • Mis à jour le 21.03.2014 à 09h52
Le Soviet suprême de la région de Transnistrie a demandé cette semaine au président de la Douma russe, Sergueï Narychkine, d'entamer des démarches pour le rattachement à la Russie. Une réunion interministérielle s'est tenue jeudi 20 mars à Moscou pour examiner le « blocus économique » dont souffirait cette région séparatiste de la Moldavie. Après la Crimée, la Transnistrie et ses 550 000 habitants sont-ils dans le viseur du Kremlin ?
Qu'est-ce que la Transnistrie ?
Micro-république qui s'est autoproclamée indépendante en 1991, la Transnistrie (qui se fait aussi appeler « République moldave du Dniestr ») est une étroite bande de terre d'à peine 50 km de large pour 230 km de long, situé à l'est de la Moldavie, à la frontière ukrainienne. Sa capitale, Tiraspol, est située à environ 75 km de la capitale moldave, Chisinau. Peuplée d'un tiers de russophones et d'un tiers de roumanophones, la Transnistrie a organisé un référendum en septembre 2006 affirmant sa volonté d'indépendance (à 97,1 %) et prévoyant un rattachement à terme à la Fédération de Russie.
Théâtre d'un violent conflit qui fit plusieurs centaines de morts en 1992, alors que les russophones de Transnistrie craignaient d'être absorbés par la Roumanie voisine, le territoire échappe depuis au contrôle de Chisinau. Il possède son Parlement, le Soviet suprême, son président, Evgueni Chevtchouk, sa monnaie, le rouble de Transnistrie, et son drapeau à la faucille et au marteau. Toutefois, aucun Etat souverain ne le reconnaît comme Etat indépendant, pas même la Russie qui le maintient toutefois sous perfusion économique. Seuls l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et le Haut-Karabakh, qui sont eux-mêmes des territoires au statut disputé, la reconnaissent.
Quelle est la présence russe en Transnistrie ?
La Russie maintient sa présence sur la Transnistrie de plusieurs manières : militaire, économique, énergétique, administrative... Entre 1 000 et 1 500 soldats russes y stationnent en permanence depuis 1992, officiellement comme « forces de maintien de la paix », mais officieusement pour épauler les forces de sécurité locales et contrôler les entrées dans le territoire. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) réclame en vain le retrait de ces troupes depuis 1999.
La Russie est ensuite la première source d'investissements directs étrangers en Transnistrie. Elle fournit également une aide directe (pour des motifs « humanitaires ») aux retraités d'environ 10 euros mensuels en complément de leur pension, alors que le salaire moyen, dans cette région pauvre, est d'environ 80 euros.
Sur le plan énergétique, la Transnistrie est située sur le trajet des gazoducs de Moldovagaz, société détenue à 50 % par Gazprom, à 35 % par le gouvernement moldave et à 13,5 % par Tiraspol. Chisinau soupçonne la Transnistrie de payer son gaz moins cher en retenant une partie des flux, laissant les autorités moldaves payer la note finale.
Moscou est ambiguë dans ses relations avec Tiraspol, car si la Russie ne reconnaît pas la Transnistrie, elle y a malgré tout ouvert un consulat, symbole de relations diplomatiques. Les Transnistriens voulant se rendre à l'étranger peuvent y obtenir aisément un passeport russe.
Au niveau culturel et linguistique, la Transnistrie a adopté l'alphabet cyrillique et l'enseignement y est dispensé en russe. Seules huit écoles sur tout le territoire offrent un enseignement en roumain.