repose en paix vieux soldat

Par Mooréa Lahalle
Le 10 janvier 2025 à 16h34

Les portes du cimetière ont été cadenassées, certaines rues fermées. Les obsèques de Jean-Marie Le Pen, qui se tiennent ce samedi 11 janvier 2025, se préparaient sans effusions, ce vendredi, à La Trinité-sur-Mer (56), où le fondateur du FN est né.
La balayeuse nettoie les abords de l’église de La Trinité-sur-Mer, ce vendredi matin. « On attend les consignes cet après-midi pour savoir comment on s’organisera demain », glisse un agent de la Ville. (Le Télégramme/Mooréa Lahalle)


Une femme emmitouflée dans un imperméable s’applique à lire à voix haute l’arrêté affiché aux abords de l’église Saint-Joseph, à La Trinité-sur-Mer (56). Celui-ci indique qu’à compter de ce vendredi, le stationnement est interdit dans certaines rues, et la circulation modifiée, en raison des obsèques de Jean-Marie Le Pen, ce samedi 11 janvier. Un événement qui implique une certaine organisation dans la commune d’à peine 2 000 habitants.

La préfecture du Morbihan a indiqué qu’un « dispositif de sécurité sera mis en place pour assurer que les obsèques se déroulent dignement et prévenir les éventuels troubles à l’ordre public qui pourraient survenir ».

Stricte intimité

Aux abords de l’église, un carré de barrières métalliques a été installé. Les lumières à l’intérieur de celle-ci sont allumées, mais les portes restent closes. Seules les allées et venues de la balayeuse viennent rompre le silence qui règne sur la place. « On nettoie ici tous les vendredis matin, assure un agent de la Ville. Ce n’est pas parce qu’il [Jean-Marie Le Pen, NDLR] est mort que l’on change ».

L’accès à l’église, qui peut accueillir un peu plus de 200 personnes, sera filtré ce samedi. « Je ne suis pas sûre que les Trinitains pourront rentrer, avance une habitante. Ou alors peut-être avec une carte d’identité, mais ça va rentrer au compte-goutte ». Par voie de communiqué, le maire, Yves Normand, a confirmé que « les obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité », à la demande de la famille.



Toutes les grilles du cimetière étaient fermées avec des chaînes en métal, ce vendredi. (Le Télégramme/Mooréa Lahalle)

« Je ne pensais pas que ce serait fermé »

Au cimetière aussi, les entrées seront limitées. Ce vendredi, toutes les grilles étaient cadenassées. « Je ne pensais pas que ce serait déjà fermé aujourd’hui », lance une passante, après s’être cassé le nez à la porte.

La commune prévoit-elle une sécurisation particulière du site, comme l’installation de caméras, après que l’homme politique d’extrême droite y sera enterré ? « Je ne suis pas habilité à communiquer sur le sujet », répond Jean-Paul Le Nin, adjoint, entre autres, à la Sécurité.

Des couronnes mortuaires patientent dans le froid devant le seul magasin de fleurs de la ville, en attendant d’être déposées à l’église, ce samedi matin. (Le Télégramme/Mooréa Lahalle)

Une soixante de commandes chez la fleuriste

Trois couronnes mortuaires attendent devant la vitrine d’À Fleur d’eau. « À notre cher président », « À notre regretté Jean-Marie », « De la part du maire d’Hénin-Beaumont » sont inscrits sur des rubans satinés. « Anonymes, proches de la famille, politiques… Ça vient de partout », s’étonne Alexandra Le Trionnaire, responsable du magasin. La commerçante n’a pas arrêté depuis mardi. « J’en suis à une soixantaine de commandes. J’ai un arrivage de fleurs encore tout à l’heure et un camion déjà plein de couronnes, poursuit-elle. Je vais devoir faire quatre ou cinq allers-retours demain. Il va falloir s’organiser puisqu’ils ferment l’église le matin ».

Arreté préfectoral d’interdiction de manifestation

En soirée, la préfecture du Morbihan a pris un arrêté interdisant « tout rassemblement de personnes dans le seul but de perturber les obsèques ». Le fondateur du Front National sera inhumé dans la sépulture familiale, au cimetière de la commune, à l’issue des obsèques, qui se tiendront à 14 h 30.

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Les obsèques et l’inhumation de Jean-Marie Le Pen, décédé, mardi, à l’âge de 96 ans, ont eu lieu, dans le calme, ce samedi, à La Trinité-sur-Mer (56), sa commune natale. Un hommage suivra, le 16 janvier, en l’église Notre-Dame du Val-de-Grâce, à Paris.

« Ça, c’est la France, ça ! » Le cri du cœur de cet homme s’élève au-dessus de la foule d’environ 200 personnes rassemblées devant l’église Saint-Joseph. Il est un peu plus de 14 h et un porte-drapeau, ainsi que deux bérets verts, viennent d’apparaître sur le parvis, accueillis par Gilles Pennelle, qui supervise les entrées. Deux cents membres et proches de la famille de Jean-Marie Le Pen ont accès à l’église, ainsi que cinquante Trinitains.

Innombrables gendarmes

Jusque-là, le silence régnait sur cette place, créant une drôle d’atmosphère, faite de recueillement et d’une indéfinissable tension. Le bourg de La Trinité-sur-Mer est entièrement fermé, quadrillé par d’innombrables gendarmes, et de tout aussi nombreux membres du « Département protection sécurité » (DPS), le service d’ordre du FN devenu RN, venus accompagner leur chef jusqu’à sa dernière demeure. Un moment de flottement va se produire quand une dizaine de gros bras, qui ont tous les atours d’un groupuscule d’extrême droite, se fond dans la foule en relevant de larges écharpes noires sur leur visage.

À pied jusqu’à l’église

À 14 h 15, le corbillard avance, seul, jusqu’à l’église. Deux SUV passeront à leur tour avant que la famille de Jean-Marie Le Pen n’apparaisse, rejoignant à pied l’église. Deux des trois filles du tribun d’extrême droite, Marine et Marie-Caroline, ouvrent la marche. Leur mère, Pierrette, suit. Lorrain de Saint-Affrique, un proche, est là aussi. On devinera par la suite que Marion Maréchal Le Pen et Jordan Bardella ont rejoint l’édifice religieux dans les SUV. Bruno Gollnisch, ancien bras droit de Jean-Marie Le Pen, est également aperçu.


Plusieurs centaines de personnes ont pris part à la procession qui s’est terminée sous les applaudissements à l’arrivée au cimetière. (Photo Vincent Le Guern)

Relations tendues avec l’église

L’office a débuté à 14 h 30. Il a été célébré par le père Dominique Le Quernec, prêtre de La Trinité, et non par un évêque. Jean-Marie Le Pen, élevé dans la foi catholique, entretenait des relations tendues avec l’Église, estimant, en 2002, qu’elle était « le ventre mou de notre pays ». Il écrivait, dans le premier tome de ses mémoires : « Nous avons rompu quand j’avais 16 ans ». Plusieurs évêques, dont Marcel Herriot ou Olivier de Berranger, avaient respectivement estimé que « les thèses de M. Le Pen sont absolument et radicalement incompatibles avec l’Évangile de JESUS-Christ » et « qu’on ne peut être catholique clairvoyant et voter Jean-Marie Le Pen ».


L’eurodéputé breton du RN, Gilles Pennelle, était également présent à la cérémonie. (Photo Vincent Le Guern)

« Je retrouve la vraie France »

Mais la célébration, qui a duré quasiment deux heures, fut, de l’aveu du père Le Quernec, « recueillie, simple, vécue dans la communion de la prière. Ce n’est pas une canonisation de la vie et de l’œuvre du défunt. C’est un temps pour soutenir la famille », explique l’homme de Dieu. À l’extérieur, les sympathisants s’épanchent, se disent « orphelins », regrettent « un visionnaire, un lanceur d’alerte ». Laurence, 56 ans, reconnaît « les frasques » du leader d’extrême droite « mais en venant ici, je retrouve la vraie France ».


Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, était également présent mais il est resté loin des caméras. (Photo Vincent Le Guern)

« T’as vu, c’est Jordan ! »

Il est 16 h 20. La cérémonie s’achève. Le corbillard passe, suivi par une procession à pied jusqu’au cimetière, distant de quelque 300 mètres. La foule a grossi. Aux avant-postes, un bagad entonne « Le chant de marche de Cadoudal ». Seuls la famille et les proches accéderont au cimetière, pour l’inhumation, qui sera ponctuée du chant de marin « Adieu cher camarade » et d’un chant militaire. Il est plus de 17 h quand elle s’achève. Marine Le Pen et ses sœurs rejoignent une petite salle. Sur la place du Voulien, le recueillement s’est envolé. De nombreux badauds s’exclament à la manière de fans transis : « T’as vu, c’est Jordan ! ».

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