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  Au cœur de l’Évangile avec Théodom

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MessageSujet: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 07 Sep 2024, 9:45 pm

À partir du 1er septembre 2024, suivez nôtre enquête passionnante et pleine d’enseignements au cœur de l’Évangile ! 


Le frère Franck pose des repères théologiques et s’entretient avec des experts qui partageront leur connaissances et leur réflexion avec nous. L’Évangile est au cœur de la foi chrétienne, après avoir vu cette série captivante, vous ne le lirez plus comme avant !
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 07 Sep 2024, 9:46 pm



2. De la Bonne Nouvelle aux évangiles


Vous et moi, l'Évangile, on connaît : on l'a entendu à la messe, on l'a lu dans la Bible Matthieu, Marc, Luc, Jean… et pourtant, sans cesse, la presse nous parle d'évangiles oubliés, de passages de la vie de JESUS que l'on aurait tenu secrets ou qui seraient dans un texte que l'on viendrait de découvrir... Ensemble, pendant cette série, nous allons essayer de comprendre ce qu'est l'Évangile, comment, quand il fut rédigé. 


Nous allons voir ensemble qu'il y a d'autres évangiles qui n'ont pas été retenus par la tradition de l'Église : l’évangile de Judas par exemple. Et puis, nous allons voir comment Marc, Matthieu, Luc et Jean ont composé leur récit. 


Ont-ils connu le Christ ? Ont-ils été inspirés par un ange qui serait venu leur dicter leur texte ? L'Évangile nous en apprend plus sur la vie de JESUS et nous allons voir aussi comment au long des siècles il fut traduit dans les langues, dans l'art, en musique, en peinture.


Suivez-moi pour cet épisode de ThéoDom. L'Évangile : ensemble nous allons découvrir ce que c’est !


Et pourquoi quatre évangiles plutôt qu’un ? Ça serait quand même plus simple : un Évangile pour une vie de JESUS et d'ailleurs, ça éviterait pas mal de contradictions :


- Nazareth ou Bethléem ? On parle ici du lieu où vivaient Joseph et Marie au moment de la naissance de JESUS. Les versions de Luc (Lc1, 26-28) et de Matthieu (Mt2, 21-22) diffèrent sur ce point.


- 3e ou 6e heure ? Il s’agit ici de l’heure de la mort du Christ : Marc (Mc15, 25) et Jean (Jn19,14) ne nous donnent pas les mêmes indications.


- Jour ou nuit ? Là encore, les détails temporels concernant la résurrection du Christ de Marc (Mc16, 2) et Jean (Jn20, 1) diffèrent.


Et encore, ce ne sont que des contradictions superficielles. Il y a bien d'autres différences et puis, il y a des passages dont nous parle Jean que les trois autres évangélistes, Marc, Matthieu et Luc n'évoquent pas, ou inversement.


D'ailleurs, dans l'histoire du christianisme on a essayé : dans les tous premiers siècles de l'Église, au 2eme siècle, on a composé “Le Diatessaron”. C'est un essai de compilation de plusieurs évangiles en un.  Il a été écrit vers 170 de notre ère et utilisé pendant plusieurs siècles dans l'église syrienne. Le texte aujourd'hui est perdu, on l'a recomposé à partir de plusieurs manuscrits. Il n'est plus en usage dans la liturgie.


On voit bien que ces quatre évangiles résistent et que l’Église a finalement rejeté la tentation d'écrire un à partir de quatre. Mais d'ailleurs, ce n'est pas si gênant car on peut considérer que les quatre évangiles sont quatre points de vue différents sur la même histoire.


Imaginons la scène : je veux aller lire la Bible dehors parce qu'il fait beau. Je me rends au jardin, ma Bible et mes lunettes dans les mains. En chemin, je croise le Frère Marc, sur ma gauche, il repère ma paire de lunettes ; il ne fait pas attention à la Bible. En chemin, je croise aussi le frère Matthieu qui, sur ma droite, repère ma Bible mais ne fait pas attention aux lunettes. À midi, au repas, on demande aux frères ce que j'ai fait ce matin. Le Frère Marc dit :


 « il est allé au jardin prendre le soleil ».  Le frère Mathieu dit : « il est allé lire sa Bible ». Même histoire, deux points de vue. Aucun n'a totalement tort, aucun n'a toute la vérité. Est-ce si simple que ça ?


Pour en savoir plus j'ai été trouvé sœur Caroline Runacher, professeur d'exégèse à l'Institut catholique de Lille.


Question du frère Franck : Bonjour sœur Caroline, pourquoi quatre évangiles ?


Réponse de sœur Caroline Runacher : Alors quatre évangiles… mais la première distinction à faire, c'est certainement de voir que les quatre évangiles sont comme les trois mousquetaires : ils sont 3 + 1.


Les trois premiers, Matthieu, Marc et Luc ont un air de famille, même s'ils sont différents. Ils sont dits synoptiques parce qu'on peut les voir d'un seul regard !


Et puis le quatrième, l'évangile johannique, se distingue des trois premiers, tant par la forme que par le contenu. Ce qui leur est commun, c'est qu’ils ont le même objectif : transmettre le message de l'Évangile. Concrètement, il s'agit pour eux de maintenir vivante la mémoire du Seigneur ressuscité, la mémoire de JESUS, confessé comme Christ et Seigneur et de montrer aux croyants que cette figure est importante pour leur vie personnelle et communautaire et leur vie aujourd'hui.


Q : Bien mais alors… pourquoi ces évangiles sont différents alors que précisément tous ils visent à parler et à nous apporter l'unique Seigneur ?


R : D’emblée deux réponses me viennent à l'esprit : la première est d'ordre théologique, la seconde d'ordre plutôt historique.


La réponse théologique, c'est que la Bonne Nouvelle de JESUS-Christ est trop importante, trop riche pour pouvoir être enfermée dans un seul témoignage, dans un seul livre. En plus vous voyez, le Seigneur est toujours au-delà de ce que je peux en dire, même au-delà de ce que les évangélistes peuvent en dire. Une autre réalité, c'est que nous, chacun mais aussi toute l'Église, nous n'avons jamais fini de découvrir qui est JESUS-Christ. L’évangile de Jean va d’ailleurs l’exprimer : « JESUS a fait encore bien d'autres choses, si on les écrivait une à une, le monde entier ne pourrait je pense, contenir les livres qu'on écrirait ! »  (Jn 21, 25). Le Seigneur est toujours au-delà.


Q : C'était la raison théologique … et alors maintenant les raisons plus historiques ?


R : Déjà, l'Évangile n'est pas tombé des lèvres de JESUS sur le papier ! Il s'est écoulé plusieurs dizaines d'années entre l'événement pascal et la rédaction du premier évangile. Il y a donc une histoire, les évangiles ont une histoire, et qui n'est pas celle d'un chuchotement d'un ange à l'oreille d'un évangéliste ! Il y a une histoire incarnée. On peut distinguer trois moments. Vous avez d'abord JESUS de Nazareth qui a sa mission : il prêche, il est en Palestine et il est vu, entendu, éprouvé aussi, par des personnes diverses et variées, par des disciples, des femmes, des hommes mais les évangélistes n'écrivent pas a priori. C'est au lendemain de Pâques peut-être qu'ils écrivent ? Mais non pas encore ! Car au lendemain de Pâques, il faut apprendre à comprendre ce qui s'est passé et comment en vivre. Donc, pendant un temps important, ils vont apprendre ce qu’est la foi en le Seigneur ressuscité, l'approfondir, apprendre à exprimer des convictions, apprendre à vivre l'Évangile au quotidien parce que ce n'est pas qu'une doctrine. Et tout cela dans des contextes, des situations qui seront différentes de celles de JESUS de Nazareth ! JESUS de Nazareth était juif, il a vécu en Palestine dans un milieu, une culture juive. Mais quand l'Évangile va sortir de ce milieu, aller jusqu'à Rome, Alexandrie, Éphèse, rencontrer d'autres personnes, d'autres cultures, d'autres religions, comment l'exprimer ?


Les évangiles ne verront donc le jour qu'après un long temps de réflexion, de maturation mais aussi, j'ose le dire, d'expérimentation. Et quand les évangélistes, enfin ceux que nous appelons des évangélistes, prendront le calame pour écrire, il s'agira pour eux d'être attentifs à une double écoute. Tout d'abord, l’écoute du message reçu : écouter et transmettre fidèlement ce qu'on a reçu et dire fidèlement, tout en étant soi-même : « qui est le Seigneur JESUS pour moi, pour nous ? ». Et une autre écoute, indissociable : l’écoute des personnes de leur temps. Écouter et comprendre ces hommes, ces femmes en fonction de leur culture, de leur langage, de leur milieu d'origine, pour leur annoncer l'Évangile d'une manière compréhensible, audible. Une manière qui fasse sens pour eux et qui leur permette d'en vivre et d'en vivre plus heureux.


Q : Écouter donc le message qui nous vient du Christ à travers cette expérimentation dont vous parlez, écouter aussi ceux à qui on adresse le message. Ça, on comprend que ça puisse prendre différentes formes, quatre en l'occurrence, qui nous sont arrivées dans les évangiles. Pourriez-vous nous donner un peu de précisions sur quand ça s'est passé ? Vous dites qu'il y a eu un temps entre l'événement pascal et la mise par écrit, combien de temps ? Si on peut le savoir ? Et puis peut-être, qui sont les évangélistes ? Si on arrive à en savoir un peu plus sur les rédacteurs qui ont couché sur le papier avec leur calame cette belle histoire ?”


R : D'emblée, je vous dirais que votre question invite à la modestie, à l'humilité. On peut dire en gros que les évangiles ont été rédigés entre 70 et 100. Les quatre évangiles que nous évoquons, entre 70 et 100. L'événement pascal, on le date en général (donc la mort et la première expérience de la résurrection) de 30, certains disent 33. Il y a donc, une distance de 40 ans entre JESUS et l'Évangile selon Marc. L'évangile selon Marc naît vers 70. Marc est donc, à proprement parler, l'inventeur de l'Évangile, de ce genre littéraire qui est tout à fait nouveau, et qui consiste à raconter un événement théologique.


Mais quand on veut savoir : « qui sont les évangélistes ? », il faut d’abord comprendre que les évangiles eux-mêmes sont anonymes. Ça ne tombe pas sous le sens puisqu'on dit évangile selon, selon, selon… Matthieu, Marc… mais ces suscriptions ont été ajoutées au 2e siècle. Elles ne font pas partie du texte. Les évangiles sont donc anonymes. Une deuxième chose importante, c'est comprendre que la pertinence, la canonicité même des évangiles ne dépendra pas de l'identité de l'auteur historique. Troisième chose : les évangélistes ou ceux qu'on appelle comme ça, n'ont pas été disciples de JESUS de Nazareth. Enfin, ce ne sont pas des auteurs solitaires qui écriraient en chambre close, ce sont les membres de communautés chrétiennes différentes dont ils partagent la foi et l'expérience.


Donc si on admet ça avec une certaine prudence, on peut poser la question de l'auteur. De façon anachronique, je commence par évoquer Jean qui date, pour ce qui a été achevé, de l'extrême fin du 1er siècle, voire début du 2e. L'évangile johannique pose bien la question de l'auteur : au chapitre 21 verset 24, on parle du disciple bien-aimé et on dit à son sujet : « C'est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites et nous savons que son témoignage est conforme à la vérité ». Vous l’entendez ? À l'origine, il y a ce disciple bien-aimé qui lance la production de l'Évangile et dont on dit qu'il témoigne et qu’il a écrit ces choses. Mais après sa disparition il y a ce « nous » qui prend la relève et qui est certainement l'école que le disciple bien aimé a fondée et qui va poursuivre la rédaction de l'évangile jusqu'à son achèvement.


Q : Ce disciple bien-aimé étant ?


R : Je dis tout de suite, comme ça : un grand anonyme ! Nous ne savons pas qui il est, nous ne le savons pas ! C'est la tradition qui dira s’il s'agit de Jean l'apôtre. Et cela certainement pour donner un poids apostolique à cette œuvre magistrale qu’est le 4è évangile


Q : Et maintenant si on prend peut-être un autre évangile ?”


R : Alors je prends un autre évangile : je prends Marc parce qu'il est le premier. Donc, vers 70, quelqu'un qui s'appelait certainement Marc, écrit un évangile mais il partage notre condition : il n'a pas connu JESUS. Ce qu'il en sait, il le sait par la tradition, parce ce qu'il a reçu des communautés croyantes. Marc va rédiger sans avoir été disciple de JESUS et c'est la tradition qui en fera un disciple de Pierre. L'a-t-il été ? Ça me semble peu probable mais ce rapprochement avec Pierre, voulu par la tradition, donne à son évangile une légitimité que cet auteur totalement inconnu, personne ordinaire, n'avait pas en elle-même.


Q : Donc cela souligne l'importance de la communauté. Elle fait le lien entre cette expérience pascale et la rédaction par ces quatre évangélistes. La communauté forme les prémisses de ce que l'on appelle simplement l'Église aujourd'hui, lien nécessaire, au fond à vous entendre, entre les événements de la mort et la résurrection du Christ, de sa prédication en Palestine et ce que nous en recevons aujourd'hui dans les quatre évangiles


R : Il n'y a pas de de croyants chrétiens sans communauté parce que tout passe par cette tradition. C'est aussi cette communauté qui va, par l'usage, limiter les évangiles à quatre.


Q : D’où l'importance de ces communautés pour transmettre les évangiles. Je vous repose la question : pourquoi seulement quatre ? Parce qu'à vous entendre, et on le sait, on l'a vu déjà ensemble avec ceux qui nous suivent, il y a vraisemblablement eu d'autres évangiles qui ont été mis par écrit, alors pourquoi quatre et ces quatre-là ?


R : Quatre évangiles canoniques oui, canoniques c'est-à-dire reconnus par l'Église - ce qu'on appelle la grande Église mais aussi d'autres églises - comme étant inspirés, nécessaires et suffisants pour la foi. Il en faut quatre mais il n'est pas nécessaire d'en avoir plus que quatre. Ceux-là sont suffisants et nécessaires pour fonder et nourrir la foi des croyants.


Q : Merci beaucoup sœur Caroline




Voilà pour les évangiles canoniques. Mais alors l'évangile de Juda et les autres évangiles apocryphes ? C'est ce que nous allons voir dans le prochain épisode.



frère Franck Dubois

Ancien élève de Science Po Paris, frère Franck a vécu de longues années au couvent de Lille, où il s'est spécialisé dans les Pères de l’Église. Il a obtenu un doctorat es patrologie au Centre Sèvres. En 2020, il est père maître des novices à Strasbourg, où il enseigne aussi la théologie à l'université. Il a publié sa thèse : "Le corps comme un syndrome" (Cerf, 2018) et quelques ouvrages plus accessibles tels que : "Attention, chute d'anges" (Cerf, 2021) et "Pourquoi les vaches ressuscitent (Cerf, 2019).

sœur Caroline Runacher

Sœur Caroline Runacher, de la Congrégation Romaine de Saint Dominique, est docteur en exégèse de l'Université de Strasbourg. Elle a soutenue sa thèse, en 1992, sur la guérison de l’épileptique en Marc 9, 14-29. Elle a longtemps été doyen de la faculté de théologie de l'Université Catholique de Lille. Elle a, entre autre, publié : Croyants incrédules. La guérison de l'épileptique, Marc 9, 14-29, coll. Lectio Divina 157, Cerf, 1994. Saint Marc, Ed. de l’Atelier, 2001.
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 07 Sep 2024, 9:54 pm



2. Les quatre évangiles, rescapés de la grande épreuve


De 0 à 30 ans, les évangiles sont presque muets sur la vie de JESUS. On sait qu'il meurt vers 33 ans. Cela fait donc un grand trou où les évangiles nous disent peu de choses. Seuls l'évangile de Matthieu, avec deux chapitres, et celui de Luc, deux chapitres aussi, nous parlent de son enfance. Nous n'avons rien chez Marc et rien chez Jean.

On a, bien sûr, voulu combler ce vide avec des vies de JESUS, souvent dites apocryphes, qui viennent nous parler de ces épisodes inconnus. On lit par exemple, dans l'histoire de l'enfance de JESUS, parfois attribuée à saint Thomas, que vers 5 ans, JESUS, près d'un ruisseau, fabrique avec de la boue 12 petits oiseaux d'argile. C'est le jour du sabbat et ça ne plaît pas à tout le monde. Un scribe s'en inquiète et va voir Joseph, le Père de JESUS, et lui dit : « Pourquoi fait-il un jour de sabbat ce qui n'est pas permis de faire ? » On reconnaît ici une interpellation que JESUS recevra dans les évangiles canoniques bien plus tard dans sa vie, mais l'ayant entendu, JESUS frappa des mains et fit s'envoler les passereaux en disant : « Allez, volez et souvenez-vous de moi, vous qui êtes vivants. » Et les oiseaux s'envolent dans le ciel. Un peu plus tard, JESUS marchait avec son père et un enfant, en courant, lui heurte l'épaule et JESUS lui dit : « Tu ne continueras pas ton chemin. » Et aussitôt, est-il écrit, l'enfant tomba, mort.

On voit bien que ces épisodes de l’évangile selon Thomas ne sont pas tout à fait dans la droite ligne de ce que les évangiles canoniques nous rapportent de JESUS. Ils ne sont pas aussi sobres : on insiste sur le miraculeux, on insiste sur JESUS qui, dès 5 ans, a le pouvoir sur le sabbat : on rehausse sa divinité et on rabaisse son humanité. Ces évangiles, pourrions-nous dire, sont un peu gnostiques !  Retour sur la série https://www.theodom.org/serie/detoxifier-la-foi-une-cure-contre-les-heresies/ avec l’extrait vidéo donnant la définition de la gnose : « JESUS ne serait un homme qu'en apparence ! C'est une très vieille hérésie » https://www.theodom.org/video/heresie-gnose/
Les évangiles apocryphes ne sont donc pas dans la ligne des évangiles canoniques, c'est pour ça que l’Église dès les premiers siècles, a considéré que ces évangiles apocryphes n'étaient pas inspirés. On lit en effet, dans la deuxième épître à Timothée : « Toute écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice. »

Toute écriture est inspirée ! Ici, Paul à Timothée invente un mot grec : « Theopneustos ». Théo Théos : Dieu ; Pneustos, pneuma, l'inspiration, l'esprit.

Comment savoir donc si un évangile est inspiré ? On l'a vu, s'il suit la lignée théologique et la sobriété des évangiles canoniques. Mais alors, est-ce-à-dire que les quatre évangiles ont reçu du ciel le message divin et qu'ils ont retranscrit ce qu'un ange, ou Dieu même, leur aurait inspiré ? Regardons, pour mieux comprendre, ces deux tableaux du Caravage qui nous parlent de saint Matthieu : saint Matthieu inspiré par l'ange pour rédiger son évangile.

Dans cette première version dont l'original a été perdu, l'ange tient la main de saint Matthieu. On a même l'impression que Matthieu ne regarde pas exactement ce qu'il écrit, peut-être même ne le comprend-il pas. Peu de place pour l'initiative de l'homme, tout vient de Dieu dans la rédaction de l'Évangile.

Passons au deuxième tableau, c'est la même scène, mais ici l'ange parle à Matthieu qui semble interpréter ses paroles pour écrire son récit. Ici, il y a l'espace entre Matthieu et l'ange. Cet espace entre le rédacteur de l'évangile et l'ange, permet une inspiration authentique, qui prend en compte la personnalité du rédacteur. Il écrit selon ce qu'il entend et selon ce qu'il est.

L'inspiration dont nous parle la deuxième lettre à Timothée ne fait donc pas fi de l'humanité des rédacteurs de l'Évangile.
Les apocryphes ont donc été écartés parce que jugés dissonants par rapport aux quatre évangiles canoniques. Cependant ce n'est pas si simple. On retrouve aujourd'hui, toujours dans l'Église, quelques traces de ces évangiles apocryphes écartés au long de l'histoire.
D'abord dans la liturgie : on fête dans l'Église le 21 novembre, la présentation de la Vierge au temple. Or cet épisode n'est relaté dans aucun des évangiles canoniques mais bien dans le protévangile de saint Jacques. 

Autre exemple d'apocryphes arrivés jusqu'à nous, les noms des rois mages, Melchior, Balthazar. Enfin, dans l'art. Nous allons voir, avec ce tableau de Robert Campin, qu'un certain nombre de motifs auxquels nous sommes habitués dans les nativités, nous viennent aussi de récits apocryphes.
___________________
Si nous prenons l'exemple de ce tableau de Robert Campin au début du 15e siècle, nous pouvons illustrer les rapports de l'Évangile canonique aux évangiles apocryphes.

Que voyons-nous ? Tout d'abord, nous reconnaissons un groupe de personnages au centre du tableau. Dans un premier ensemble, nous voyons une femme, un homme, et un jeune enfant. Dans un deuxième plan, quelques personnages de style paysan viennent voir l'enfant et dans un troisième plan, nous voyons des personnages colorés et ailés, manifestement une représentation d'anges. Vous l'aurez compris, la scène représente l'adoration des bergers après la nativité de JESUS, dans l'évangile selon saint Luc.

En effet, des deux nativités du Nouveau Testament, Luc est le seul à mentionner la visite des bergers et la présence d'anges. L'enfant, étonnamment posé au sol, est entouré de Marie et de Joseph. Mais deux personnages nous intriguent encore : deux femmes au premier plan sur la droite, jouent manifestement un rôle important dans ce tableau.

L'une est accroupie de dos, l'autre, en face, discute avec elle. Ce qu'elles se disent, est écrit dans les bandelettes blanches qu'on appelle des phylactères. Les anges également s'expriment : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Rien d'étonnant : c'est ce qu'ils disent au verset 14 de la nativité lucanienne, mais c'est dans l'apocryphe, connu sous le nom de protévangile de Jacques, que nous lisons cette histoire des deux sages femmes. Et que se disent-elles ? « Je ne croirai rien tant que je n'aurais pas vérifié ! » À quoi l'autre lui répond : « “Touche l'enfant et tu seras guérie ! » C'est un peu mystérieux si on ne connaît pas le contexte.

La deuxième sage-femme arrive après l'enfantement et se voit expliquer par la première le miracle : une vierge a enfanté ! Et c'est là qu'elle lui répond : « Je ne croirai rien tant que je n'aurais pas vérifié ». Le récit nous raconte que son doute provoque la paralysie de sa main. La première sage-femme lui dit alors : « Touche l'enfant et tu seras guérie ». La scène n'est donc pas du tout dans l'Évangile mais est-ce si simple ? En réalité, cette scène apocryphe est truffée d'allusions à l'Écriture sainte :

- L'arrivée tardive de la deuxième sage-femme renvoie manifestement à la course de Pierre et de Jean après la résurrection de JESUS dans le quatrième évangile.

- La main paralysée évoque la scène de la main desséchée dans une synagogue de Galilée, racontée par les trois évangiles synoptiques.
- La phrase de la première sage-femme reprend la prophétie de l'Emmanuel au chapitre 7 du Livre d'Isaïe.

- Enfin, le doute de la sage-femme dans la conception et la naissance virginale, se rapporte clairement au doute de l'apôtre Thomas après la résurrection, lorsqu'il dit : « Si je ne mets pas ma main, mes doigts dans ton côté, je ne croirai pas ».
La lecture offerte par le peintre est très biblique. Elle met en scène un texte canonique en écho avec de nombreux passages bibliques par la médiation d'un livre plus tardif. Le peintre commente la Bible avec la Bible. Alors n'est-il pas justement en train de faire la même chose que les évangélistes qui écrivent des évangiles truffés d'allusions à d'autres passages de l'Écriture ? Il nous propose lui aussi une lecture très théologique.
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On lit dans les Actes des Apôtres, au chapitre 20 verset 35 : « De toute manière, je vous l'ai montré, c'est en peinant ainsi qu'il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur JESUS, qui a dit lui-même : “ Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir.” »
On lit en note : « Sentence que les évangiles n'ont pas conservée ». Nulle part, dans les évangiles canoniques que nous connaissons, figure cette phrase dite d'après le rédacteur des Actes par JESUS : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ».

Cela montre bien que les évangiles, même s’ils sont pour nous une source unique importante et sûre concernant la vie de JESUS, ne sont pas les seuls vecteurs de son histoire qui sont arrivés jusqu’à nous.

Alors le lien entre JESUS et les évangiles, c'est ce que nous verrons dans un prochain épisode.




frère Franck Dubois

Ancien élève de Science Po Paris, frère Franck a vécu de longues années au couvent de Lille, où il s'est spécialisé dans les Pères de l’Église. Il a obtenu un doctorat es patrologie au Centre Sèvres. En 2020, il est père maître des novices à Strasbourg, où il enseigne aussi la théologie à l'université. Il a publié sa thèse : "Le corps comme un syndrome" (Cerf, 2018) et quelques ouvrages plus accessibles tels que : "Attention, chute d'anges" (Cerf, 2021) et "Pourquoi les vaches ressuscitent (Cerf, 2019).
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 14 Sep 2024, 9:26 pm



3. La gloire et la Croix, convertir nos attentes


« Commencement de l’Évangile de JESUS-Christ Fils de Dieu selon qu'il est écrit dans Isaïe le Prophète, ‘’voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route.’’ »

Ce sont les premières lignes de l'Évangile selon saint Marc.

Évangile, que veut dire ce mot ? On reconnaît ‘’ange’’ dans évangile, messager. Évangile, c'est le bon message, la bonne nouvelle. Marc présente son récit en disant qu'il s'agit d'un Évangile, l'Évangile de JESUS-Christ puisque la Bonne Nouvelle, c'est JESUS, ce qu'il est, ce qu'il fait. Mais plus loin, dans Marc, au milieu de l'Évangile selon saint Marc, vient une question : les disciples connaissent déjà JESUS et ils se demandent finalement quelle est la vraie nature de cet homme qu'il suivent. Et à un moment, dans l'Évangile, la question leur est renvoyée. JESUS leur demande : « Pour vous, qui suis-je ? » C'est finalement toute la question des évangiles : pour nous, qui est JESUS ? C'est ce que nous allons voir en passant en revue les différentes couleurs, les quatre traits, les quatre façons de voir JESUS, les quatre tonalités, des évangiles.

Je suis allé trouver sœur Caroline Runacher à nouveau, pour lui demander qui était JESUS pour saint Marc ? Qui était JESUS pour elle ?”

Question de frère Franck Dubois : Alors, sœur Caroline, quel est votre évangile préféré ?”

Réponse de sœur Caroline Runacher : C'est l'évangile selon Marc ! Parce qu’il présente un JESUS très tendre, c'est dans son évangile qu'on dit que JESUS aimait le jeune homme riche. Il est le seul à dire que JESUS le regarda et l'aima. Ça, m'a beaucoup touchée, ça m'a emportée !

Q : Alors, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur JESUS en saint Marc ?

R : JESUS en saint Marc, vous ne pourrez pas en parler sans parler de la communauté. Marc écrit donc son évangile vers 70, probablement à Rome, en tout cas, pour une communauté de chrétiens issus du paganisme, non pas du judaïsme, comme dans l'évangile selon Matthieu, mais issue majoritairement du paganisme. C’est une communauté qui a été marquée par la persécution et où certainement des chrétiens en ont dénoncé d'autres. Non seulement, ils ont abandonné la foi, mais ils ont dénoncé. Donc, la communauté est douloureuse, les croyants sont dans l’insécurité et ils ont besoin d'être réconfortés et en même temps Marc ne va pas leur dorer la pilule. C’est donc dans ce contexte difficile que Marc va demander à tout lecteur, à sa communauté et à tout lecteur depuis le 1er siècle jusqu'à notre temps : « Qui dites-vous que je suis ? » Et c'est là, la question que Pierre s’entend poser par JESUS au cœur de l'Évangile : « Qui dites-vous que je suis ? » Et Marc lui-même va répondre à cette question à travers toute son œuvre et développer ce qu'on appelle la théologie de la Croix. La théologie de la Croix, qu'est-ce que c'est ? C'est le fait de ne pouvoir dire qui est JESUS qu’à partir du moment où on accepte qu'il soit et glorieux, Fils de Dieu ; Christ glorieux et souffrant, Fils de l'homme, qui donne sa vie jusqu'au bout.

D'une manière imagée, vous pourriez dire que vous n'avez d'argent que si vous acceptez que la monnaie soit pile et face ! Vous avez pile, vous n'avez pas d'argent, vous avez face, vous n'avez pas d'argent. De la même manière, vous ne pouvez dire qui est JESUS que si vous l'accueillez à la fois glorieux et souffrant.

Il y a, dès le premier verset de l'Évangile, l'évangéliste lui-même qui nous dit en qui il croit : « Commencement de l'évangile de JESUS, Christ, Fils de Dieu ». Il est JESUS, cette personne humaine qui circule en Palestine. Il est le Christ, le Messie, l'Envoyé de Dieu et il est le fils de Dieu. Marc nous montre un JESUS qui reste un JESUS de proximité, il est proche, non seulement parce qu’il est accueillant à chaque personne, mais il est aussi proche parce que dans l'évangile de Marc, peut-être plus que dans les autres, JESUS habite notre humanité d'une façon toute particulière. Il est proche des gens, mais il a aussi des émotions : je vous le disais, il regarde le jeune homme et il l'aime ! Il a des émotions et peut se mettre en colère : « engeance incrédule, jusqu'à quand vous supporterais-je ? »
Il se laisse toucher dans le cœur et dans le corps, même par le lépreux. À travers cette proximité avec les personnes, il dit sa proximité avec Dieu. Dieu qu'il appellera « Abba », non pas « père », mais « papa » et, quand au milieu de l'Évangile, JESUS demande à ses disciples : « Qui dit-on que je suis ? » Ils disent : « Tu es un prophète, un si, un ça… » mais : « Vous, qui dites-vous que je suis ? » et Pierre prend la parole et il dit : « Tu es le Christ ! » C'est très court : « Tu es le Christ », rien de plus. Il a tout compris ? Il a presque tout compris ! Au moment où il croit avoir compris, on lui renvoie en pleine figure que non, il n'a rien compris du tout et JESUS dit de ne parler de lui à personne !

Pierre dit : « Tu es le Christ » et JESUS répond : « Ne dites ça à personne », car il faut encore comprendre qui est le Christ que Dieu donne à Israël et au monde.

Et après que Pierre a dit : « Tu es le Christ », JESUS commence à annoncer la passion. L'autre partie de la pièce, la partie douloureuse. Il faut que le Fils de l'homme soit mis à mort, qu'il souffre sa Passion. La réaction de Pierre, qui est celle peut-être de la communauté qui ne voudrait pas souffrir davantage : « Non, ça ne t'arrivera pas ! » mais la réponse de JESUS est claire : « Derrière moi, Satan, derrière moi, tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celle des humains » Satan qu'est-ce que c'est ? C'est ce qui s'oppose à la volonté de salut de Dieu pour chaque personne humaine, volonté de vie, de bonheur, de Dieu. Satan, c'est à ça qu'il s'oppose : et donc, : « derrière moi ! »  Pierre a donc deux choses à comprendre. D'une part : « derrière moi », retourne dans ta condition de disciple et ne te mets pas devant, dans la position du chef. Et puis aussi « derrière moi », c’est : « Ne te mets pas devant moi comme un obstacle sur le chemin de Jérusalem », sur le chemin d'accomplissement de la mission, sur le chemin du don de soi qui est le chemin de JESUS !

Dans toute la deuxième partie de l'Évangile, il faudra pour les disciples apprendre non seulement, qui est leur Seigneur, mais aussi comment être un disciple. Et JESUS le leur dit : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. » Attention, ne soyez pas découragés parce que ça ne veut pas dire que nous devons tous mourir en croix ! Mais quand il dit : « Que chacun prenne sa croix », ça veut surtout dire assumer sa propre vie et dans la vie qui nous est donnée, donner le meilleur de nous-mêmes pour les autres. C'est ça être au service, être en situation de don de soi. Ça ne veut pas dire mourir, on peut donner sa vie au goutte-à-goutte.

Q : Alors, sœur Caroline, est-ce qu'il y en a un dans l'évangile selon saint Marc qui a compris qui était JESUS ? Puisque même Pierre semble n'avoir pas tout compris.

R : Eh bien oui, mais ça ne sera pas un disciple ! Plus exactement, ça ne sera pas un apôtre, ça sera celui qu'on a cherché derrière « le cul de la vache » comme petit David. Vous êtes au pied de la Croix, JESUS au plus haut de la douleur dit : « Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » Il vit cette solidarité avec toute l'humanité souffrante et poussant un grand cri, il meurt. Et Marc dit, en Mc15-39, qu'un centurion était là, qui n’est pas juif et qui n'est pas disciple. Il est romain polythéiste et puis c'est un méchant : il est là pour garder les crucifiés. Marc nous montre cet homme qui représente tous les croyants et toutes les personnes de son temps et de notre temps. Cet homme dit en regardant JESUS, comment il avait expiré : « Cet homme était fils de Dieu » et ça, c'est un paradoxe, car au moment où il dit : « Cet homme », il ne fait rien d'autre que montrer un échec total. Humainement, il n'a plus d'allure, il est mort, sa mission est un échec et cet homme était fils de Dieu, c’est-à-dire, glorieux, bien-aimé de Dieu et qui manifeste qui est Dieu, à savoir fondamentalement non-violent et il manifeste cet amour de Dieu pour nous, jusque dans le don total de lui-même en refusant tout recours au merveilleux et à la puissance pour s'en sortir !

Donc le centurion parle, et c'est là que Marc veut en arriver. Il y a à assumer ce paradoxe de « Cet homme crucifié mort, en échec, qui est fils de Dieu », sa foi réside dans le fait d'arriver à mettre entre cet homme et Fils de Dieu, le Verbe être. C'est le paradoxe de la foi et ça traverse tout l'Évangile jusqu'à l'annonce de la Résurrection. Lorsque l'ange est là et dit : « Vous cherchez JESUS de Nazareth le crucifié, il est ressuscité, il n'est pas ici dans le tombeau ». « Le Crucifié, il est ressuscité », il y a du paradoxe : c'est le mouvement de foi de l'évangéliste mais aussi celui auquel tout le monde est invité et que les disciples ont mis bien du temps à comprendre. Des disciples qui vont d'échec en échec. Ils ne comprennent pas, ils le prennent pour le maître et ainsi de suite et ils vont arriver jusqu'à une couardise formidable puisque, lorsque JESUS annonce la trahison : « Tous vous allez tomber, vous allez tous me laisser là », Pierre dit : « Non, non, non, même si tous tombent, du moins pas moi ! » Et JESUS, alors qu'ils sont au sommet de la fanfaronnade, leur dit : « Tous vous allez tomber mais une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » Donc ici, au plus profond de la couardise des disciples, de leur échec, est déposée l'espérance ! Au lendemain de Pâques, les disciples retrouveront les chemins du monde pour annoncer l'Évangile de celui qui, par sa miséricorde et par sa grâce, a recouvert du voile de la miséricorde, absolument tous leurs échecs, toutes leurs lâchetés, tous leurs abandons. « Une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » et ils suivront.

Q : Merci, sœur Caroline, de nous avoir fait vivre le JESUS de saint Marc, qui est un peu le vôtre et aussi le nôtre maintenant. À nous de poursuivre ce chemin de miséricorde, de tendresse. Merci beaucoup !

Voilà pour saint Marc !

On pourrait dire de l'évangile selon saint Luc, que c'est l'évangile de la miséricorde, car c'est chez Luc que l'on trouve les trois paraboles de la miséricorde, dont la brebis perdue et le fils prodigue. C'est Luc aussi qui nous parle du bon larron sur la croix, que JESUS accueille en son paradis alors qu'il se convertit à la dernière minute. Il y a également l'évangile selon saint Matthieu. Le JESUS de saint Matthieu nous est présenté comme le nouveau Moïse. Moïse qui reçoit du haut de la montagne du Sinaï les tables de la Loi écrites sur les tables de pierre. JESUS sur la montagne des Béatitudes, enseigne la loi nouvelle, la loi d'amour à ses disciples.

Voilà pour Marc, Matthieu, Luc, trois évangiles que l'on appelle synoptiques parce qu'on peut facilement les mettre en trois colonnes et repérer les mêmes épisodes qui se déroulent.
Pour Jean, c'est différent ! Jean nous offre une vision de JESUS qu'on pourrait dire plus théologique, d'ailleurs dans la tradition orthodoxe, saint Jean est appelé « le théologien ».

L’évangile de Jean s'ouvre, vous vous souvenez, sur ce fameux prologue : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu ». Il prend de la hauteur. D'ailleurs, c'est un aigle qui est représenté pour figurer l'évangile selon saint Jean. Jean fait parler JESUS à la première personne : « Je suis ». Dans l’évangile de Jean, JESUS parle volontiers de lui en images, le pain de vie, le berger.

Voilà pour les quatre évangiles, leur couleur et leur tonalité propre. Mais il y a plus. Le mot évangile ne se trouve pas seulement dans les évangiles ! On lit chez saint Paul, dans la première épître aux Corinthiens, au chapitre 15, verset 1 : « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon. » Paul aussi a reçu l'évangile de la Bonne Nouvelle de JESUS-Christ et pour mieux comprendre quel est le JESUS, quel est l'évangile de JESUS selon saint Paul, j'ai été demandé au frère Jean-Michel Poffet, bibliste à Fribourg :

Question de Frère Franck Dubois : Bonjour, frère Jean-Michel ! Frère Jean-Michel, qui est JESUS pour saint Paul ?

Réponse de Frère Jean-Michel Poffet : Pour saint Paul, JESUS, c'est d'abord et avant tout le Ressuscité parce que Paul n'a pas rencontré JESUS durant son ministère en Galilée ou à Jérusalem. Paul ne rencontre JESUS que nimbé de gloire au chemin de Damas, le jour de sa conversion, de son retournement. On peut donc dire que Paul est d'abord le disciple du Ressuscité. Il était complètement révolté, c'est pour ça qu'il partait poursuivre les chrétiens, à l'idée que le Messie attendu par Israël et promis, était cet imposteur crucifié en dehors de Jérusalem. Et voilà que le Christ est devant lui, glorieux. Donc Paul est le disciple de la victoire de JESUS, du signe de Dieu sur JESUS. Deuxièmement, on peut dire que Paul est aussi le disciple du Crucifié, cette croix qu'il avait en horreur, le poteau d'infamie, voilà que maintenant, elle devient pour lui le signe de l'immense amour de Dieu pour le monde et Paul pourra même dire qu'il peut être fier de la croix du Christ ! Paul, c'est donc l'apôtre d'après Pâques, victoire de Dieu pour le monde, sous le signe d'une croix glorieuse et du Ressuscité, qui continue de se faire des disciples. Paul est un des premiers.

Q : Est-ce que le JESUS de saint Paul est différent du JESUS des quatre évangiles ?

R : On peut espérer que c'est le même parce qu'il n’y en a pas deux mais la grande différence, c'est que premièrement, JESUS était en monde juif, quasi exclusivement. JESUS a formé des disciples, a raconté des paraboles, a effectué des signes, des miracles. De tout cela, Paul n'était pas témoin. Par conséquent, Paul est le fruit de tout ce que JESUS a annoncé et promis. JESUS a eu bien de la peine à se faire comprendre des disciples, il leur a annoncé sa mort et sa résurrection, qu'il allait leur envoyer un défenseur, un avocat, un maître intérieur, l'Esprit Saint. Paul est le fruit de cette promesse et c'est bien du même JESUS qu'il s'agit mais Paul ne fait pas allusion à des paraboles de JESUS, à des miracles de JESUS, tout simplement parce qu'il n'était pas là. En revanche, il vit de ce même JESUS sous la forme d'un esprit universel missionnaire.

Q : Merci beaucoup, frère Jean-Michel.

Nous avons donc appris que l'Évangile, c'était plus que les évangiles. Reprenons le passage de saint Paul dans l'épître aux Corinthiens : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les écritures, qu'il a été mis au tombeau, qu'il est ressuscité le 3e jour, selon les écritures. »

Recevoir les évangiles, c'est déjà quelque chose, les transmettre, c'est important et plus encore. Lors du prochain épisode, nous allons voir comment l'Évangile s'est transmis de génération en génération, comment le message de JESUS par les évangiles est arrivé jusqu'à nous, aujourd'hui ici, et sur toute la terre.
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 14 Sep 2024, 10:16 pm

Je remets la vidéo qui ne semble pas avoir passé et je ne peux éditer le fil ci-dessus.

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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedDim 15 Sep 2024, 6:55 pm







Capucine a écrit:
Je remets la vidéo qui ne semble pas avoir passé et je ne peux éditer le fil ci-dessus.




Du coup, elle était bien passée,

Et merci pour cette intéressante vidéo.
 Very Happy
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedDim 22 Sep 2024, 6:21 am



4. Transmettre, c’est traduire et bien plus

Voilà un extrait du début des Actes des Apôtres, au chapitre 2, la Pentecôte, que nous connaissons bien : « Ils disaient : "Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens, comment se fait-il, alors, que chacun de nous les entende dans sa propre langue maternelle, Parthes, Mèdes, Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Égypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que Prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue, les merveilles de Dieu." »
Chacun donc entend parler dans sa propre langue, mais parler de quoi ?
 
Un peu plus loin, Pierre prendra la parole devant cette même assistance et dira : « En somme, celui que vous avez crucifié en le clouant sur la Croix, Dieu l'a ressuscité en le délivrant des affres des enfers. » JESUS, le crucifié, est ressuscité, voilà ce que proclamaient les apôtres le jour de la Pentecôte en toutes ces langues. Ils proclamaient cela bien sûr, sans se baser sur les évangiles qui ne sont pas encore écrits. Nous sommes juste après la mort et la résurrection du Christ. Il n'y a pas encore les quatre évangiles, mais il y a déjà l'Évangile, la Bonne Nouvelle de JESUS, mort et ressuscité. Ce message proclamé par les Apôtres, on l'appelle parfois le « kerux » en grec, « kérygme », en français. C’est l'essentiel de la prédication des apôtres : « JESUS que vous avez crucifié, est ressuscité. » C’est le cœur de la Bonne Nouvelle. Ce message, c'est Pierre qui le porte mais ce sont aussi les douze, qui parlent dans toutes les langues.
 
L'Église naît, elle est universelle, elle est collective. L'Église naît, alors, nous l'avons dit, que les évangiles ne sont pas encore rédigés. Cela signifie une chose très importante : l'Église précède les évangiles. Cela signifie autre chose de tout aussi important, le christianisme n'est pas une religion du Livre, puisque l'Église précède le Livre ou plus exactement l'Église précède ce que nous appelons le Nouveau Testament et les évangiles. Pour nous, aujourd'hui, cela signifie qu'on ne peut pas lire les évangiles en les dissociant de l'Église qui les a portés et continue de les porter jusqu'à nous. L'Évangile a été rédigé en grec. JESUS, lui, parlait vraisemblablement araméen avec ses disciples, mais quand on a commencé à vouloir rédiger l'Évangile, on a pris le grec qui était la langue la plus répandue dans le bassin méditerranéen, où cette histoire a commencé. Première traduction donc, de l'araméen de JESUS au grec des évangiles. Traduction, nous l'avons vu, qui dès la Pentecôte, s'est élargie à bien plus de langues et qui continue jusqu'à aujourd'hui.
 
Pour mieux comprendre comment cet effort de transmission et de traduction dans des langues nouvelles continue aujourd'hui, je suis allé rencontrer le frère Rémi-Michel. Rémi a été, pendant un an, missionnaire au Pérou auprès de populations natives de l'Amazonie. Nous allons comprendre, grâce à lui, comment l'Église continue, au fur à mesure qu'elle rencontre de nouveaux peuples à évangéliser, à porter l'Évangile et à le traduire dans les mots et dans la culture des peuples auxquels elle s'adresse.
 
______________
Frère Franck Dubois : Bonjour, frère Rémi-Michel !
 
Frère Rémi-Michel : Bonjour, frère Franck, merci pour l'invitation !
 
Frère F.D. : Tu as été témoin de l'annonce de l'Évangile dans des langues peu parlées et isolées. Est-ce qu'il suffit de traduire l'Évangile pour en faire comprendre le message ?
 
Frère R-M : Ma réponse est oui et non… Alors, oui, bien sûr, il faut traduire l'Évangile. C'est ce que font les évangélistes en choisissant le grec pour porter la Bonne Nouvelle. C’est ce que fait Saint-Jérôme avec la Vulgate. C'est ce qu'on a fait jusqu'à aujourd'hui. Donner la possibilité d’accéder aux textes, c’est la première chose que font les Dominicains lorsqu'ils s'installent dans cette région au début du XXe siècle, le frère José Piocasa notamment. Ils vont passer 30 ans avec eux pour comprendre leur langue, la parler et traduire l'Évangile, traduire les prières et permettre un accès pour ces populations à la Parole de Dieu.
 
Mais ce n'est pas suffisant… Il ne suffit pas juste de traduire l'Évangile puis de le « balancer » comme ça ! Bien sûr qu'il s'agit de le vivre avec eux, c'est ce que fait Saint-Paul lorsqu'il fonde différentes communautés, eh bien il vit avec les Thessaloniciens, avec les Corinthiens, avec tous ceux qu'il rencontre. Donc les missionnaires, leur objectif, leur objet de vie, c'est la même chose, c'est-à-dire d'abord vivre de l'Évangile au contact des populations ! Et si je retiens les leitmotivs des missionnaires actuels, c'est bien d'aider pastoralement mais aussi socialement les tribus avec lesquelles ils vivent et de défendre leur identité et leur dignité auprès du gouvernement, auprès des grandes entreprises. C'est ça l'Évangile !
 
Frère F.D. : Est-ce qu'on traduit mot à mot ?
 
Frère R-M : « Traduire, c'est trahir ! » C'est ce qu'on dit généralement... Donc, il faut toujours essayer de traduire mot à mot, au plus proche, mais bien sûr, ce n'est pas toujours possible. Je prendrai un exemple de choix de traduction qui m'a marqué avec les Machiingas : c'est le mot "Dieu", bien sûr ! Comment le traduire dans les différentes langues, et comment le faire pour cette tribu Machiinga en particulier, qui n'avait pas de mot "Dieu" en tant que tel ? Eh bien, les missionnaires se sont servis du mot tasolinci, qui vient donc d'une racine — et je vous donne la totale — qui vient de tasunquiero et du suffixe rinci. Qui est tasunchelo ? C'est le mot pour "souffler", et donc ce mot-là, qui désigne aussi un bambou qui sert à souffler pour activer le feu, est utilisé par les Machiingas pour parler d'une sorte de divinité qui a tout créé. Donc, ce n'est pas l'équivalent exact de notre mot "Dieu", mais c'est le nom que les Machiingas donnent à leur créateur. Naturellement, les Dominicains se sont servis de ce mot pour désigner Dieu, le Créateur, Celui qui souffle, celui qui crée par son souffle de l'Esprit Saint. Ainsi, dans la traduction de l'Évangile, le mot tasolinci a naturellement remplacé le mot "Dieu".
 
Frère F.D. : Et comment faire pour traduire des mots qui ne figurent pas dans la culture d'origine ?
 
Frère R-M : Il y a plusieurs écoles. Si je prends l'école plutôt protestante, évangélique, avec notamment le SIL, le Summer Institute of Linguistics, qui a fait un travail phénoménal pour traduire ces langues amérindiennes et publier des bibles en langues amérindiennes, eh bien, le choix protestant va parfois être d’essayer à tout prix de traduire le mot et de faire en sorte que les populations indigènes le comprennent parfaitement.
 
Je prends un exemple : il y a des missionnaires protestants qui ont introduit des moutons dans des villages indigènes, avec l'idée de leur faire comprendre ce qu’était "le bon pasteur". En fait, ça n’a pas été une grande réussite. Les moutons avaient trop chaud, ils sont morts. Bref ! Vous voyez que vouloir absolument créer un désert pour faire comprendre ce qu'est un désert, ce n'est pas possible.
 
Il y a l'autre extrême, qui est parfois le cas de certains missionnaires, c'est de dire : « On convertit complètement l'Évangile. » Par exemple, si les indigènes n'ont pas de pain mais mangent quotidiennement de la yuca, qui est une racine d'arbre, on va traduire "pain" par "yuca" et célébrer la messe avec de la yuca ! Bon, c'est une école qui peut se défendre, mais l'Église a définitivement pris le parti de dire : « Non, ce n'est pas possible, on ne peut célébrer la messe qu'avec du pain. » Donc, il faut que les gens puissent comprendre un peu ce qu'est le pain.
 
Face à ces deux extrêmes, soit fondamentalistes, soit hyper-relativistes, on va dire. Eh bien, il y a cette école qui consiste à expliquer, à montrer, à essayer de trouver des équivalences. Je pense, par exemple, aux missionnaires dominicains qui se sont servis des cascades sacrées dans lesquelles les indigènes allaient se plonger pour recevoir le passé des ancêtres, et qui leur disaient : « Le baptême que nous offre le Christ, c'est un peu la même chose. » Voilà ! On va se servir de l'analogie. Je pense aussi à l'achioté : les indigènes, là où j'étais, se peignaient le visage avec de l'achioté, une plante dont les cosses, lorsqu'on les casse, dégagent une couleur rouge très vif. On va se servir de cet exemple pour dire : « Voilà, l'onction de l'huile au baptême. » Analogiquement, il s'agit de la même chose, mais avec le sens du sacrement qu'il faut enseigner.
 
C'est là qu'il est fondamental de pouvoir traduire et enseigner quelle est la tradition de l'Église, le symbole des apôtres, et les sacrements, tout en se servant d'analogies pour aider à comprendre. Mais ce n'est pas propre à la jungle : dans nos sociétés modernes, il y a plein d'images de l'Évangile qu'on ne peut plus comprendre si on ne nous les explique pas ou si on ne trouve pas d'analogies avec notre quotidien.
 
Frère F.D. : Et pour finir, frère Rémi-Michel, qu'est-ce que cette expérience missionnaire a changé dans ton rapport à l'Évangile ?
 
Frère R-M : Ça a changé mon rapport à l'Évangile parce que j'ai fait l'expérience des tensions qu'il y a entre le message du Christ et les réalités, entre la vie de ces gens, leur quotidien, se demander en quoi ils avaient besoin du Christ, en quoi l'Évangile est la source de notre vie en fait ? En arrivant là-bas, j'ai pu voir que je maîtrisais mal la langue, je n’étais pas non plus un grand spécialiste de l'Évangile et pourtant par ma vie auprès d'eux, en essayant de vivre de la Bonne Nouvelle du Christ, de sa charité, du service des plus pauvres, eh bien je vivais vraiment ce que le Christ nous demandait, et je leur portais ainsi le message. Et bien sûr que je suis sorti de là avec un rapport à l'Évangile tout autre et qui me nourrit jusqu'à aujourd'hui.
 
______________
Nous le voyons donc, transmettre l'Évangile ce n'est pas seulement une question de mots mais aussi de concept, d'image. Cette traduction de l'Évangile, aussi bien, ne se fait pas seulement dans les langages différents mais dans les cultures. Nous avons vu que l'Évangile continuait aujourd'hui à être traduit dans différentes langues de par la terre, nous avons aussi compris que cette traduction était affaire de mots mais d'images et de culture mais il faut comprendre que même en français aujourd'hui, nous continuons à traduire la Bible, pour que la langue dans laquelle nous la lisons, nous l'entendons, colle avec la culture et la société qui elle-même, évolue. Aussi la Bible continue aujourd'hui à être révisée, à être traduite en français, de façon à ce que nous puissions accueillir le plus savoureusement possible, la Bonne Nouvelle de JESUS-Christ.
 
De cela, nous allons parler dans notre prochain épisode : l'Évangile, une bonne nouvelle pour nous aujourd'hui !
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MessageSujet: Re: Au cœur de l’Évangile avec Théodom     Au cœur de l’Évangile avec Théodom  Icon_minipostedSam 28 Sep 2024, 9:17 pm



5. L’Évangile, une Parole à vivre !


« Quand nous nous référons au mystère eucharistique et qu'une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c'est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombe dans nos oreilles et nous pensons à autre chose. »


Ces mots puissants de saint Jérôme, grand bibliste, nous font comprendre que pour lui Dieu est autant présent dans la parole, l'Évangile entendu aux célébrations de chaque eucharistie, que dans le pain et le vin consacré. Effectivement pour nous, l'Évangile, c'est souvent une rencontre que nous faisons à la messe et pour mieux comprendre comment la liturgie peut nous aider à faire de l'Évangile entendu une bonne nouvelle pour nos vies aujourd'hui, je suis allé rencontrer le père Olivier Praud, spécialiste de liturgie.


Frère Franck Dubois : Père Olivier, bonjour.


Père Olivier Praud : Bonjour.


Frère F.D. : Alors, père Olivier, est-ce qu'on a toujours lu l'Évangile pendant la messe ?


Père O.P. : L'Écriture a toujours tenu une place particulière dans la liturgie de l'Église, parce que dès les premiers siècles, les premiers chrétiens vont méditer l'Écriture sainte. Ils vont l'entendre, la proclamer, l'écouter, prier avec. Et bien sûr, les évangiles, lorsqu'ils vont être écrits, vont tenir une place particulière dans la prière de l'Église, jusqu'à devenir le récit et la mémoire centrale de l'Église puisque à travers l'Évangile, eh bien, c'est la mémoire de la mort et de la résurrection du Christ que nous entendons.


Frère F.D. : Et donc, il y a un lien logique entre mémoire de la mort et de la résurrection du Christ et l'Eucharistie…”


Père O.P. : Bien sûr ! Parce que les deux sont évidemment intimement liés au point de représenter finalement les deux facettes d'une même réalité. Quand nous célébrons le mystère pascal du Christ, nous le célébrons en écoutant le récit de sa passion en étant plongés dans l'expérience de la foi des premiers chrétiens qui vivent de la Résurrection, et puis ensuite nous en recevons les fruits dans le sacrement lui-même, pour en vivre à notre tour.


Frère F.D. : Alors, est-ce que la messe est finalement l'accomplissement de la lecture de l'Évangile ou de la réception de l'Évangile ?”


Père O.P. : En fait, c'est une grande architecture la messe, qui nous fait finalement partir de notre existence dans laquelle va raisonner la Parole de Dieu, dont l'Évangile est évidemment pour nous le moment le plus intense et c'est bien pour cela qu’à la fin de la proclamation de l'Évangile, eh bien celui qui la proclame, le diacre le plus souvent, va dire “acclamons la Parole de Dieu” et tous vont répondre « louange à Toi Seigneur JESUS », c'est-à-dire, toi qui viens de nous parler ; car depuis toujours, lorsque nous nous mettons à l'écoute de l'Évangile, c'est le Christ lui-même qui nous parle et finalement cette parole que nous avons entendue, elle veut transformer notre existence et pour cela elle va devenir notre nourriture, elle va devenir ce sacrement de communion intense avec le Seigneur, au point que sa présence devient d'une certaine façon sensible à nos yeux, à nos lèvres, à nos mains et finalement, à toute notre vie.


Frère F.D. : Au fond, on a le sentiment que l'Évangile appelle toujours une mise en œuvre, une incarnation et que les sacrements et la liturgie en général, sont là pour nous donner les moyens finalement de cette réalisation, de cette incarnation.


Père O.P. : Oui ! Parce que la liturgie et les sacrements, bien sûr, nous font entendre l'Évangile mais ils ne nous le font pas entendre simplement comme une parole d'autre fois, comme une parole comme une forme de conte ou une forme d'histoire qu'on raconte pour endormir les enfants le soir. Non ! La liturgie nous fait entendre cette parole comme Dieu lui-même qui s'adresse à nous, c'est-à-dire comme une parole vivante ! Et d'une certaine façon nous sommes quelque part « convoqués » à entrer en dialogue avec Dieu. D'où, pourquoi dans toute liturgie, les dialogues entre celui qui préside à la prière et l'assemblée qui est là, sont décisifs, pour bien rappeler que nous avons foi en un Dieu qui parle, en un Dieu qui veut entrer en dialogue avec les hommes. Comme le dit le début encore de la constitution sur la révélation divine : « Dieu veut parler aux hommes comme à des amis pour les introduire en sa communion. » Voilà peut-être finalement la mission propre de l'Évangile : c'est de nous rappeler que Dieu nous parle, mais pas simplement pour faire du blabla mais pour nous faire entrer en sa communion, sa communion intime, celle qui tient le Père et le Fils dans l'Esprit qui les unit”.


Frère F.D. : Finalement, à vous entendre, les sacrements, la liturgie en général nous permettent d'entrer dans le mystère même de Dieu qui est celui de la Trinité”.


Père O.P. : Exactement, tout à fait, c'est à dire que l'objectif de la liturgie, c'est de s'accomplir en charité, en Caritas, et on sait bien que cette Caritas, c'est ce qui désigne au plus haut point l'identité même de Dieu mais de l'autre côté, son versant immédiat, c'est que cette Caritas doit se manifester comme charité, c'est à-dire comme service des petits, des pauvres et comme l’annonce l'Évangile, c'est en quelque sorte se précipiter de cette Caritas de Dieu dans le monde que nous recevons à chaque liturgie, évidemment au plus haut point à chaque eucharistie, pour pouvoir le partager avec les autres.


Frère F.D. : L'Évangile comme concentré de la charité, merci, Père Olivier.


Père O.P. : Merci.
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L’Esprit dit à Philippe : « Avance et rattrape ce char ». Philippe y courut et il entendit que l’eunuque lisait le prophète Isaïe. Il lui demanda : « Comprends-tu donc ce que tu lis ? » « Et comment le pourrais-je, dit-il, si personne ne me guide ? » Et il invita Philippe à monter et à s'asseoir près de lui. Philippe prit alors la parole et partant de ce texte de l'Écriture, lui annonça la Bonne Nouvelle de JESUS.


Cette scène nous fait comprendre que pour entrer dans l'intelligence des écritures, il faut être guidé. Ici, Philippe guide l’eunuque et, détail important, c'est l'Esprit qui envoie Philippe à la rencontre de l'eunuque.


L'Esprit Saint est toujours celui qui aide des chrétiens réunis ensemble à comprendre l'Écriture. Nous entendons aussi dans ce récit que l’eunuque lit un texte du prophète Isaïe et pourtant, avec l'aide de Philippe, il reconnaît la Bonne Nouvelle de l'Évangile dans ce texte de l'Ancien Testament. Nous l'avons vu ensemble, l'Évangile dépasse en vérité les quatre évangiles reçus dans le Nouveau Testament. La Bonne Nouvelle de JESUS-Christ, déjà, s'exprime dans l'Ancien Testament pour ceux qui arrivent à lire la présence du Christ dans ces récits prophétiques.


Nous allons maintenant voir à l'image de Philippe et l’eunuque, comment aujourd'hui dans l'Église, des groupes bibliques, des groupes de partage de la lecture continuent cette ancienne tradition : lire à plusieurs la Bible, aidés par l'Esprit Saint, pour mieux comprendre comment JESUS nous parle aujourd'hui dans l'Écriture et dans l'Évangile.


Nous allons le faire avec Danièle qui depuis des années, pratique la lecture de l'Écriture en petit groupe :


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Danièle : Lire la Bible est un exercice qui est exigeant. S'y aventurer tout seul est quelquefois un petit peu risqué et on peut s'y égarer. Lorsqu'on a commencé à la lire avec mon mari, nous avons commencé seuls. Nous avions vu une statistique en 2001 qui disait que 72 % des Français ne lisent jamais la Bible et parmi ceux qui la lisent, 24 % seulement la lisent en groupe. Ça nous a paru paradoxal puisque nous disions que la Bible était a priori destinée à une population plutôt importante. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité intégrer un groupe biblique et nous nous sommes vite aperçus que c'était un excellent moyen de la découvrir, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il y a la vertu du rendez-vous : le fait d'intégrer dans son agenda un rendez-vous, finalement pour le Seigneur, où on se déplace, on va rencontrer d'autres personnes, pour essayer de comprendre ce que veut nous dire cette Parole. Nous sommes une religion de la Parole, JESUS s'est fait chair, les textes ont leur origine dans la communauté du peuple de Dieu. Donc cheminer avec un groupe biblique prenait tout à fait son sens, et je pourrais même dire que la lecture en groupe constitue le biotope naturel de la Bible, parce qu'il y a une rencontre et ceci est très, très important.


Comment se passe, rapidement, la lecture commune ? Alors, nous nous asseyons, on prend un petit moment de pause, nous prions, pour laisser les tracas du quotidien de côté. Et là, commence vraiment la lecture, et là, je dirais qu'il y a des analyses, des approches différentes, des déclics, un dynamisme, la parole qui devient vivante. En fait, il y a une communion dans le groupe et cette rencontre se fait avec les membres du groupe. Le Seigneur est également présent dans ce groupe, ça se sent très nettement, et le Seigneur nous parle à travers l'autre. La richesse, la communion, la communauté que nous formons, nous permettent de cheminer, je pense, dans une intelligence de la foi.



Et comme il est écrit dans Matthieu au chapitre 7, verset 7 : « Cherchez, vous trouverez. » Effectivement, lorsque nous sommes en groupe, j'ai l'impression que nous cheminons ensemble, avec la profonde espérance que le Seigneur est avec nous.
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« Le saint concile exhorte de façon insistante et spéciale tous les chrétiens et notamment les membres des ordres religieux, à apprendre par la lecture fréquente des divines écritures, la science éminente de JESUS Christ. En effet l'ignorance des écritures, c'est l'ignorance du Christ. »


Le concile que nous venons d'entendre dans sa constitution Dei Verbum, sur la Parole de Dieu, nous rappelle que la parole n'est pas destinée seulement aux prêtres, aux diacres ou aux catéchistes ; mais à tout fidèle, tout baptisé, tous ceux qui veulent s'approcher du Christ. Pour eux, la lecture de l'Écriture, et singulièrement de l'Évangile, est une nécessité qui s'impose, parce qu'ignorer l'Écriture, c'est ignorer le Christ.


Depuis le concile Vatican II, l'Église catholique a beaucoup œuvré pour que l'Écriture soit remise dans les mains des fidèles et qu'ils se l'approprient. Nous l'avons vu avec la liturgie, nous l'avons vu avec les partages Bibliques, et nous le voyons enfin avec une expérience de lectio divina, de lecture continue de l'Évangile, menée par des étudiants :


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Blandine : Alors, cette année, j'ai fait l'expérience de lire en entier un évangile, l'évangile de saint Marc. C’est la première fois. L’Évangile, c'est vraiment se plonger dans la vie de JESUS et comprendre qu’en fait, il est là avec nous, tous les jours de notre vie, mais de manière concrète.



Parfois la Bible, l'Évangile, ça peut nous paraître un peu abstrait dans notre foi et on se rend compte qu’on a un outil, la Bible et les évangiles qui nous permettent de mieux connaître JESUS et de sentir qu'il est avec nous tous les jours de notre vie et ça change vraiment, je pense, le regard sur la foi. Ça nous fait grandir parce qu’on peut passer à côté de tellement de choses si on ne lit pas l'Évangile. Il est vraiment nécessaire d'en lire un en entier. Ça change de ce qu'on peut voir, entendre à la messe où c'est de manière périodique. Là, quand on le lit en entier, ça donne du concret dans sa foi et on sent qu'on a JESUS avec nous tous les jours. Ça donne un peu de boost aussi !



Cela dit, il ne suffit pas de lire l'Évangile en entier et de s'arrêter là : un prêtre m'a dit qu’on commençait à lire un évangile que quand on le relisait ! En fait, c'est vrai que relire, ça permet de comprendre certaines choses qu'on n’avait pas forcément comprises ou vues. Il ne faut surtout ne pas s'arrêter, il faut continuer à lire, travailler, écrire sur sa Bible, vraiment se l'approprier, vivre quotidiennement avec l'Évangile. Il nous est donné et c'est tellement dommage de passer à côté ! Si je pouvais donner un message : « Plongez-vous dans l'Évangile ! »
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« Il y a encore bien d'autres choses que JESUS a faites. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait ». C'est la finale de l'Évangile selon saint Jean. Ensemble, pendant ce parcours, nous avons vu que l'Écriture venait de loin. L'Écriture, l'Évangile, la Bonne Nouvelle du Christ, est déjà en prémices dans l'Ancien Testament, mais ce sont bien sûr les quatre évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean qui nous révèlent la Bonne Nouvelle de JESUS-Christ.


Nous avons vu ensemble que cet Évangile était, depuis les origines, porté par l'Église ; que l'Église en avait été la genèse et que, par les Apôtres, l'Église a répandu cette Bonne Nouvelle dans le monde entier. Ce travail de transmission, de traduction, continue jusqu'à aujourd'hui dans des nouvelles terres où l'Église s'implante.


Pour s'approprier cet Évangile, nous avons vu que la liturgie était un outil essentiel, la célébration de la Messe en particulier, mais que l'Évangile aussi aimait à se faire partager dans des groupes bibliques, et dans une lecture plus personnelle : la lectio divina.


Comme nous le rappelle saint Jean, l'Évangile dépasse et de loin, les frontières des quatre livres évangéliques. L'Évangile continue à s'écrire, de quelques manières, dans nos vies, pour ceux et celles qui s'en inspirent, méditant l'Écriture, la partageant, la célébrant.


À vous de jouer maintenant à partir des quatre évangiles, d'écrire pour ainsi dire, votre bonne nouvelle, votre parcours de vie avec le Christ, pour que ces lettres ne restent pas mortes mais prennent vie dans vos vies. C'est la joie d'être chrétien, c'est la joie de suivre, en disciple, la Bonne Nouvelle du Christ.


C'est cette joie que nous continuerons ici à Théodom à partager avec vous.
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