Retrait d'argent chez les commerçants : le cash back arrive en France
Le décret d’application est attendu pour l’automne. Un service qui sera surtout utile dans les zones rurales où les distributeurs se raréfient.
LE MONDE | 03.08.2018 à 06h15 • Mis à jour le 03.08.2018 à 08h41 |
Par Jérôme Porier
Obtenir des espèces chez un commerçant lorsqu’on paie avec sa carte bancaire deviendra bientôt banal en France, comme c’est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Belgique. Par exemple, quand vous effectuerez des achats pour 60 euros dans un supermarché ou dans une boulangerie, vous pourrez payer 100 euros afin d’en récupérer 40 en liquide.
Adopté le 25 juillet par le Parlement, le texte de loi qui autorise cette pratique est une transposition de la directive européenne sur les services de paiement, dite DSP2. Cette dernière offre ainsi aux commerçants la possibilité de proposer ce service à leurs clients, alors que seuls les établissements de crédit étaient jusqu’à présent autorisés à distribuer des services de paiement, et donc à délivrer des espèces. « C’est la fin d’un monopole des banques », se réjouit Serge Maitre, président de l’association française des usagers des banques.
En Belgique, de 5 à 6 % des transactions par carte s’accompagneraient d’une demande de cash back. En Allemagne, cette pratique s’est développée à travers le réseau des stations-service, notamment pour des raisons de sécurité : distribuer régulièrement de l’argent liquide leur permet d’en garder moins en caisse. Mais les Français utilisent moins de liquide que leurs voisins.
Quand le retrait moyen effectué par un Allemand à un distributeur automatique de billets (DAB) avoisine 200 euros, il ne dépasse pas 90 euros pour un Français. Selon la Banque centrale européenne, le cash back représente 2 % des montants en argent liquide retirés en Europe, avec des sommes moyennes retirées de l’ordre de 15 euros.
Décret d’application « au plus tôt en septembre »
Le décret d’application de cette loi est attendu pour l’automne (« au plus tôt en septembre », selon Bercy) pour préciser le montant minimal de l’achat permettant de retirer des espèces, ainsi que le montant maximal pouvant être retiré (une fourchette de 100 à 150 euros a été évoquée lors des débats au Sénat). Seuls les commerçants qui le souhaitent pratiqueront le cash back, il n’y aura pas d’obligation.
L’arrivée du cash back peut sembler à rebours de la tendance actuelle qui voit l’usage du liquide se raréfier au bénéfice du paiement mobile et du paiement sans contact, en particulier pour les petits montants. Le dispositif apparaît même en contradiction avec les priorités des pouvoirs publics. Dévoilé en juillet, le rapport du comité action publique 2022 chargé de tracer des pistes de réforme de l’Etat préconise d’ici à la fin du quinquennat d’« aller vers une société “zéro cash” pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale ».
A peine la loi votée, le cash back serait-il donc déjà dépassé ? « Non, car il répond à un besoin. Contrairement à une idée répandue, l’utilisation de l’argent liquide ne diminue pas en France », explique-t-on à Bercy. Effectivement, l’argent liquide est encore utilisé dans 55 % des transactions et il représente entre 5 et 15 % des volumes.
Fermeture d’un grand nombre d’agences bancaires
Pour l’instant, l’essor des paiements dématérialisés se fait surtout au détriment des chèques, et non des espèces. Et si le réseau français de 57 000 DAB est dense, la fermeture programmée d’un grand nombre d’agences bancaires dans les prochaines années va laisser un vide dans les zones rurales. Les autorités pensent que l’essor du cash back permettra de le combler.
« Il est possible que beaucoup de commerçants proposent [ce service] gratuitement pour attirer la clientèle »
Les commerçants seront-ils rémunérés pour ce service ? « La loi ne dit rien à ce sujet : ce sera à chaque commerçant de décider s’il le facture ou pas, et à quel niveau, répond Philippe Joguet, directeur à la Fédération du commerce et de la distribution. Il est possible que beaucoup de commerçants le proposent gratuitement pour attirer la clientèle. » Dans les pays européens qui pratiquent le cash back, la norme est de ne pas le facturer.
Quand le dispositif sera-t-il mis en œuvre ? Pessimiste, M. Maitre s’inquiète du peu d’implication des acteurs concernés :
« Les commerçants ne sont absolument pas informés. Et je constate que le GIE [groupement d’intérêt économique] des cartes bancaires, contrôlé par les banques, ne fait rien pour que le cash back soit mis en place rapidement. »
Des choix techniques qui seront faits dépendra la date d’entrée en vigueur du dispositif. « Soit l’opération de cash back est traitée au niveau de la caisse du commerçant, soit au niveau monétique. Dans ce dernier cas, il sera nécessaire de modifier le logiciel des terminaux de paiement et le back-office des banques, ce qui prendra plusieurs mois », confie Nicolas Brand, directeur du marketing du groupe Ingenico. Quel que soit le scénario retenu, le cash back ne devrait donc pas faire son apparition en France avant le début de 2019.
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