Onze princes et des dizaines de ministres interpellés en Arabie saoudite
Ces arrestations, ordonnées par la commission anticorruption dirigée par le prince Mohammed Ben Salman, seraient une manière d’étouffer les contestations internes.
Le Monde.fr avec AFP | 05.11.2017 à 00h34 • Mis à jour le 05.11.2017 à 07h21
Onze princes et des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés, samedi 4 novembre, en Arabie saoudite, sur décision d’une commission anticorruption, a annoncé la chaîne satellitaire Al-Arabiya (à capitaux saoudiens) qui n’a pas cité ses sources. L’information n’a pas été confirmée officiellement dans l’immédiat.
Parallèlement, les puissants chefs de la garde nationale saoudienne – une force d’élite intérieure –, et de la marine ont été limogés. Miteb Bin Abdullah, fils de l’ancien roi, a notamment été écarté de la garde nationale, un important rouage sécuritaire du royaume chargé de la protection des sites stratégiques du pays, dont les champs pétroliers.
Ces arrestations interviennent quelques heures après la création, par décret royal, de cette commission, dirigée par le prince héritier et homme fort du royaume, Mohammed Ben Salman, âgé de 32 ans. L’agence de presse officielle saoudienne SPA a indiqué que le but de la commission était de « préserver l’argent public, punir les personnes corrompues et ceux qui profitent de leur position ». Le conseil des religieux a rapidement réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la corruption était « aussi importante que le combat contre le terrorisme ».
Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l’économie, le prince héritier semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salman, âgé de 81 ans.
Des avions privés cloués au sol à Djeddah
Parmi les personnes arrêtées figurerait le prince et milliardaire Al-Walid Ben Talal, connu pour son franc-parler et qui avait lancé il y a un an un vibrant appel pour que les femmes obtiennent le droit de conduire, selon des sites Web saoudiens.
Une source aéroportuaire a par ailleurs déclaré à l’Agence France-Presse que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Djeddah, importante ville portuaire située sur la mer Rouge, pour empêcher que certaines personnalités quittent le territoire.
« L’étendue et l’ampleur de ces arrestations semblent être sans précédent dans l’histoire moderne de l’Arabie saoudite, a commenté Kristian Ulrichsen, membre du Baker Institute for Public Policy à la Rice University (Texas). Si la détention du prince Al-Walid Ben Talal se confirme, elle constituera une onde de choc sur le plan intérieur et dans le monde des affaires internationales. »
Une vague d’arrestation de dissidents
Fin octobre, le prince héritier a promis une Arabie « modérée », en rupture avec l’image d’un pays longtemps considéré comme l’exportateur du wahhabisme, une version rigoriste de l’islam qui a nourri nombre de djihadistes à travers le monde.
Il a lancé plusieurs chantiers de réformes – droit de conduire pour les femmes et ouvertures de cinémas notamment – qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l’histoire moderne du royaume, avec une marginalisation de fait de la caste des religieux conservateurs.
Dans le même temps, il a œuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment à une vague d’arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.
Selon des analystes, nombre de ces dissidents critiquaient la politique étrangère musclée du jeune prince héritier, comme le boycott du Qatar, ainsi que certaines réformes comme la privatisation d’entreprises publiques et la réduction des subventions de l’Etat.
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