Druzisme
Fondée au Caire au début du Xème siècle par le jeune calife fatimide d’Egypte al-Hâkim, la foi druze s’est répandue au Moyen-Orient par les soins d’un prédicateur qui lui a donné son nom, al-Darazi. Les Druzes eux-mêmes s’appellent aussi « Al-Mouahhidoun », les « Unificateurs », car leur doctrine syncrétique rassemble des éléments d’Islam, de Christianisme et de philosophies grecque et hindoue.
Après la disparition de son fondateur, la secte, persécutée, disparut d’Égypte mais continua son prosélytisme en Syrie. En 1043, la « porte de l’adhésion » fut cependant fermée et aucune nouvelle conversion ne fut plus acceptée, ceci afin d’éviter que celle d’un adepte d’une autre religion n’attire sur eux la vengeance de leurs voisins. Les Druzes formèrent dès lors une communauté fermée, repliée dans les régions montagneuses du Mont Hermon, du Golan, de la Montagne Libanaise, de l’Anti-Liban et de la haute Galilée.
Les Druzes émergèrent en tant que force politique dominante dans la montagne avec les Émirs qui présidèrent à leur destinée à partir du XIIème siècle. Ils donnèrent au Liban celui qui est considéré aujourd’hui comme son premier homme d’État, en la personne de Fakhreddin II (1590-1635), dont le palais se dresse au coeur du Chouf, à Deir-el-Qamar, village aujourd’hui majoritairement chrétien. Fakhreddin II étendit, en effet, son autorité sur ce qui est aujourd’hui le Liban ainsi que sur la Galilée, et réussit à préserver l’autonomie de l’émirat ainsi constitué jusqu’à ce que le pouvoir ottoman mette fin brutalement à son règne. Réputé pour sa tolérance, il encouragea également les chrétiens maronites à s’installer dans le Metn et le Chouf. Les choses se gâtèrent avec l’avènement de l’Émir Bechir II (1788-1840), chrétien maronite, qui pour asseoir son pouvoir joua des rivalités entre les grandes familles Druzes en s’appuyant sur sa propre communauté. Ce fut le début de troubles confessionnels qui allèrent crescendo jusqu’à la guerre civile de 1860. Beaucoup de Druzes prirent alors le chemin de l’exil pour s’installer au sud de la Syrie, dans le Djebel el-Arab, plus connu aujourd’hui sous le nom de Djebel Druze, où un petit nombre de leurs coreligionnaires les avaient devancés au cours des siècles. Dans cette région, ils furent en rébellion armée contre l’occupant français de 1922, année du début officiel du mandat de la S.D.N. sur la Syrie, à 1926, année de la prise de Soueida, capitale du Djebel, par les troupes françaises.
Les Druzes seraient aujourd’hui 350.000 en Syrie, environ 300.000 au Liban, 60.000 en Israël et 3 à 5.000 en Jordanie.
Les Druzes forment une communauté religieuse (certains parleront de secte) issue du chiisme, présente en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Palestine. Bien qu’il soit difficile d’avoir des données chiffrées fiables, on considère que la population druze représente environ 7%-8% de la population libanaise (environ 250000 personnes) et 3%-4% de la population syrienne (environ 450000 personnes).
C’est une communauté créée par deux ismaëliens (branche du chiisme) un persan Hamza et un turc ad-Darazî (dont le nom est à l’origine du terme « druze ») vizir du calife fatimide d’Égypte Al-Hakim (996-1021). Al-Hakim prônait une religion universelle, monothéiste, héritière de toutes les philosophies et croyances précédentes. Il se proclamait incarnation de Dieu et à sa mort ses proches confirmèrent sa nature divine. C’est ainsi qu’ils fondèrent la secte druze.
C’est une religion hermétique et non démocratique. En effet, la doctrine est secrète et les textes sacrés (les livres de la Sagesse) ne sont accessibles qu’à une élite initiée pour éviter que le message soit dévoyé. C’est une communauté fermée car l’adhésion à la secte n’a été ouverte que de 1017 à 1043, excluant depuis en principe toute conversion ou apostasie. Les Druzes croient en la réincarnation des âmes au sein de leur propre communauté. Ses vies successives permettent au croyant de gagner son salut et d’attendre le retour du messie Al-Hakim à la fin des temps. Religion à l’origine musulmane, elle rejette la charia et ses obligations rituelles, elle n’a ni liturgie, ni lieux spécifiques de culte (seuls les initiés, les sages se réunissent tous les jeudis dans les majlis, « les assemblées » pour prier et méditer). Croyants et visiteurs peuvent aussi se recueillir dans des sanctuaires, où reposent des personnes initiées ou illustres de la communauté. Et on peut suivre une initiation pour accéder à la connaissance de la doctrine.
D’abord installés à Hama, Alep et Damas, les Druzes se réfugient dès le 12° siècle dans le Mont-Liban pour échapper aux persécutions du pouvoir officiel et de l’islam orthodoxe. Et à partir du 14° siècle, avec la dynastie Maa’n, ils fondent l’émirat du Liban et connaissent leur apogée sous le règne de Fakhreddine II, le « prince druze du Liban » ( 1590-1635). Il joua un rôle important pour créer un état indépendant, moderne, prospère et en paix au coeur de l’empire ottoman. Sous son règne, les Druzes et les Maronites du Mont-Liban vécurent dans une atmosphère de tolérance mutuelle. En 1635, le pouvoir ottoman, irrité par ses succès, le condamne à mort.
Sa disparition annonce une longue période de déclin de la communauté druze, de dissensions internes et de conflits très violents avec les maronites, attisés notamment par l’émir Bechir II (1788-1850),
druze maronite converti, par les ottomans et par les puissances étrangères.
Guerre civile, massacres et flambées de violence ne cessent qu’à partir de 1860 quand une nouvelle administration est mise en place par l’empire ottoman, confirmant la prédominance politique des Maronites dans la région mais acceptée malgré tout par les Druzes.
A partir de l’indépendance du Liban en 1943, la communauté druze, bien que minoritaire, joue un rôle politique plus important grâce à son chef Kamal Joumblatt qui fonde le Parti Socialiste Progressiste en 1949 pour tenter de dépasser les clivages communautaires.
Soutenant la résistance palestinienne pendant la guerre civile mais s’opposant à l’intervention militaire syrienne au Liban, Kamal Joumblatt est assassiné en 1977. Et en 1983, c’est la deuxième guerre civile entre les Druzes et les Chrétiens après le retrait des Israéliens du Mont-Liban: ce sont cette fois les Chrétiens qui sont obligés de fuir leurs villages pour échapper aux massacres. Les Druzes sortent cependant très affaiblis de ce conflit malgré leur victoire militaire. Et la région du Chouf a souffert du départ massif des Maronites notamment sur le plan économique.
Aujourd’hui, formant une communauté minoritaire , encore relativement fermée, quasi unie derrière Walid Joumblatt, les Druzes tentent de défendre l’unité et l’indépendance du Liban au sein des forces du 14 mars.
Vous pouvez lire « Les Druzes, vivre avec l’avenir » de Abbas El Halabi aux éditions dar An-Nahar
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